Tuesday, January 1, 2008

Le partage des émotions ou quand le corps part à la recherche des mémoires

Des pistes de réflexion pour l’élaboration de nouvelles orientations dans les arts de la scène

Isabelle Dornic et Geoffrey Edwards


UN CADRE DE RÉFLEXION

Depuis quelques années, pendant que le monde scientifique et celui des arts se retrouvent au sein d’initiatives communes, nous assistons à la diffusion d’un discours prônant et se félicitant de collaborations multidisciplinaires entre des domaines de plus en plus variés et accordant une certaine visibilité aux équipes de chercheurs scientifiques qui travaillent de paire avec des artistes. Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui encore, le mur qui sépare scientifiques et artistes résiste encore. Car même si les deux groupes peuvent se vanter d’apporter leurs contributions scientifiques et artistiques à des projets communs, rares sont cependant les échanges méthodologiques d’une discipline à l’autre, chacun ne modifiant guère ses méthodes de travail respectives. Ainsi, pendant que nombre d’artistes démontrent une résistance aux approches scientifiques1, les chercheurs scientifiques, de leur côté, ne se résignent pas à abandonner leur objectivisme sacré pour un nouveau terrain à mi-chemin entre ces deux mondes. Pourtant, pour qu’un véritable travail partagé puisse émerger, au-delà des observations du territoire de l’autre, c’est une transformation de l’un par l’autre qui doit s’installer. C’est à une transgression des règles méthodologiques intrinsèques à chaque discipline que nous devons assister.

Cependant, plusieurs «terres du milieu», pour reprendre le terme de Tolkien, existent probablement. Le travail paradoxal de trouver un terrain de vrai partage entre artistes et scientifiques doit se faire en gardant la nécessité de l’être de chacun – en effet, il faut une double exigence de rigueur. La solution ne réside pas tant dans l’abandon de la nécessité de rigueur ni de l’un groupe, ni de l’autre, que dans la construction d’une nouvelle forme de rigueur qui trouve ses racines dans chacune des anciennes.

Dans cet article, nous explorerons donc l’une de ces terres du milieu. Nous porterons en effet notre attention sur la présence de l’identité, et sa transmission, dans l’expression artistique, ainsi que sur son importance dans la quête de représentations explicites appuyées par de nouvelles technologies. Nous nous intéresserons également aux liens entre identité, émotion et cognition, et tenterons de montrer comment les relations que ces notions entretiennent les unes avec les autres peuvent permettre l’identification de nouvelles perspectives scientifiques de caractérisation formelle des œuvres d’art. Notre enquête se veut, enfin, aussi ouvrir sur de nouvelles possibilités d’identité tant chez les scientifiques que chez les artistes. Nos outils pour ce travail sont centrés sur des méthodes issues des sciences sociales. À cela nous allons également puiser dans des méthodologies de recherche qui relèvent des sciences appliquées telle que la géomatique, mais aussi des sciences fondamentales, comme la cognition, et des arts.

De plus, notre enquête sera alimentée par des observations qui mettent à profit l’espace disponible sur scène (qu’elle soit physiquement présente ou non) et qui tentent de comprendre comment cet espace est utilisé pour offrir une performance à un public. Ces observations, qui ont porté d’abord sur les séances de répétition de La Trilogie des Dragons, pièce jouée par Ex Machina2, ont ensuite été orientées sur l’air du Lamento d’Arianna, de Claudio Monteverdi, dans le cadre d’une performance de chant et de danse menée par Marie Louise Bourbeau et Lina Cruz3. Dans ces travaux, il a été constaté qu’un concept en particulier semble porteur, celui des schémas d’image4, et que nombreux exemples de ces schémas se trouvent cachés dans le langage de conception artistique.

Une série d’observations et d’analyses ont ainsi amené une réflexion sur la triple convergence de la géomatique, des sciences cognitives et des arts de la scène. Cette conjoncture de disciplines facilitera selon nous l’élaboration d’outils permettant aux artistes de rendre leurs performances scéniques plus efficaces et d’impliquer ainsi encore davantage leurs publics. Cet objectif, pour être atteint, doit pour le moment passer par une réflexion sur les liens existant entre ces différentes disciplines, et plus spécifiquement entre certains concepts qu’elles sollicitent. Ainsi, quelles sont les interactions entre schémas d’images, valeurs, représentations, mémoires et identité ? Comment cette interaction peut-elle être mise à profit pour optimiser les arts de la scène et faire en sorte que le public s’investisse émotionnellement dans la performance de l’artiste ?

Afin de pouvoir adéquatement établir des liens entre ces concepts, commençons par les définir. Nous aurons alors l’occasion de comprendre, dans un premier temps, ce que sont les schémas d’images, ainsi que ce qu’ils sous-tendent. Nous nous attarderons ensuite sur les concepts de représentations, mémoires et identité et tenterons de dégager les liens qu’ils entretiennent avec les schémas d’images. Cet exercice devrait nous permettre de parvenir à valider l’hypothèse selon laquelle les schémas d’images, mouvements corporels partagés et intégrés comme fragments de mémoire en chacun de nous, peuvent devenir des outils permettant d’enrichir les arts de la scène et impliquer les membres d’un public dans la performance de l’artiste. De cette manière, nous devrions être en mesure de faire progresser notre réflexion sur l’une des manières de mettre ensemble une démarche scientifique et une artistique.


LES SCHÉMAS D’IMAGES OU QUAND LE GESTE DONNE SENS

Les chercheurs George Lakoff et Mark Johnson se sont longuement penchés sur le concept de schéma d’images5 et ont tenté, en plusieurs étapes dans divers ouvrages6, non seulement d’en donner une définition, mais également d’en cerner le fonctionnement. L’ouvrage de Mark Johnson, The Body in the Mind, offre des pistes particulièrement intéressantes. Selon cet auteur, les schémas d’images constituent en effet une façon d’être au monde, non seulement par l’esprit mais aussi par le corps. Ainsi, «a schema is a recurrent pattern, shape, and regularity in, or of, these ongoing perceptions, and conceptions.… These patterns emerge as meaningful structures for us chiefly at the level of our bodily movements through space, our manipulation of objects, and our perceptual interactions»7. Il ajoute que les schémas d’images «are those recurring structures of, or in, our perceptual interactions, bodily experiences, and cognitive operations». Dans cette perspective, les schémas d’images constitueraient, selon l’auteur, des structures permettant la compréhension, structures par ailleurs inscrites dans le langage grâce à la métaphore. Des expressions telles que «tomber amoureux», faisant appel à la métaphore, s’inscrivent ainsi dans un schéma d’image spécifique, qui est celui du «conteneur»8. Le geste, le mouvement du corps, permet alors (qu’il soit physique ou métaphorique) non seulement de donner du sens, donc d’interpréter, mais aussi d’exprimer une émotion. Au total, une cinquantaine de schémas d’images, classés en quelques catégories génériques9, ont pu être identifiés, qui auraient un caractère universel10.

Ces structures de compréhension que constituent les schémas d’images, exprimées tant dans le langage verbal et corporel que dans d’autres formes d’expression (architecturale, musicale, visuelle…), sont donc, selon ces définitions, très sensibles dans la façon que nous avons de percevoir le monde et d’exprimer nos idées et nos émotions. Elles ont alors un caractère public et partagé qui nous intéresse tout particulièrement. Mais comment ces schémas d’images, qui structurent notre compréhension du monde et prennent corps dans le langage, quel qu’il soit, peuvent-ils devenir publics et partagés ? Comment d’autres concepts, issus de la psychologie sociale, peuvent-ils nous aider à comprendre ce processus de transmission et de partage ? Quels sont, en d’autres termes, les liens qui peuvent être établis entre les schémas d’images et d’autres concepts que sont les valeurs, les représentations, les mémoires et l’identité ? Pour pouvoir comprendre ces liens, nous devons d’abord emprunter le chemin11 de la définition. En quoi consistent ces concepts, quels en sont les usages et comment fonctionnent-ils ? C’est ce que nous allons pouvoir comprendre maintenant.


VALEURS, REPRÉSENTATIONS, MÉMOIRES ET IDENTITÉ : UN AUTRE CADRE STRUCTURANT12

Les termes et expressions utilisés pour définir et conceptualiser les schémas d’images, tels que «perception», «imagination», «façons d’être au monde» se rapportent à un champ largement développé dans les sciences humaines et sociales tout au long du XXe siècle et plus spécifiquement au cours des dernières décennies, celui des représentations mentales et sociales. C’est ainsi à Émile Durkheim et Marcel Mauss que nous devons les premières grandes analyses des «représentations collectives» en ce début de siècle. Une longue série de penseurs leur succèdera, dans diverses disciplines, pour s’intéresser alors, comme Lévy-Bruhl (1910), aux «fonctions mentales» ou, comme Charles Blondel, aux «mentalités primitives» (1922 et 1926). George Lefebvre et les créateurs des Annales, Marc Bloch, Lucien Febvre puis Fernand Braudel, des années 1920 aux années 1950, ont quant à eux porté leur attention sur la «psychologie et l’anthropologie historique», les «sensibilités» et «l’outillage mental». Les années 1960 voient par la suite s’affirmer les notions de «structures et d’attitudes mentales», avec des historiens tels Robert Mandrou, Michel Vovelle, Philippe Ariès, Pierre Chaunu et Jacques Le Goff. Les psychologues, de leur côté, sous l’impulsion de Serge Moscovici13 en 1961, redécouvrent la notion de représentations sociales et réinvestissent ce champ d’études avec de multiples et riches questionnements. Depuis la fin des années 1980, les représentations sont au cœur des réflexions de spécialistes de diverses disciplines14. De nombreuses définitions ont alors pu être fournies, selon les angles d’approche privilégiés. C’est cependant celle d’Alain Corbin que nous retiendrons dans le cadre de notre propre réflexion. Ainsi,
les représentations qu’un individu se fait du monde, d’un éventuel au-delà, de lui-même et de l’autre règlent le jeu du désir et de la répulsion ; décident des figures de l’angoisse et de l’horreur. Le système de représentations ne fait pas qu’ordonner le système d’appréciation, il détermine les modalités de l’observation du monde, de la société et de soi ; en fonction de lui s’organise la description de la vie affective. C’est lui qui, en dernier ressort, régit les pratiques.15
Cette définition intègre par ailleurs une notion centrale qui est celle de valeurs, dont la définition la plus intéressante est fournie par le psychologue social Guy Durandin, selon qui les valeurs sont les «critères du désirable et du haïssable propres à une société donnée à un moment donné»16.

Ces deux concepts, valeurs et représentations, qui fonctionnent l’un avec l’autre de façon très étroite, s’intègrent par ailleurs dans un autre, plus englobant et tout aussi riche, celui d’identité. En effet, les diverses et très nombreuses définitions du concept d’identité font clairement ressortir celui, central, de représentations sociales. Ainsi, selon Edmond-Marc Lipiansky, les représentations sociales, «instituées et transmises par le langage quotidien et le discours des médias, sont ce par quoi les individus et les groupes s’assurent une mise en forme et une maîtrise de leur environnement et s’approprient la culture ; en même temps, elles permettent une figuration de la réalité psychique où le sujet peut saisir objectivées son identité et celle de la société»17. Le langage, première manifestation tangible de l’identité, est donc le lieu où se constituent les représentations, les valeurs et les idéologies18. Aussi, «tout en inscrivant la culture dans l’homme, [le langage] la projette devant lui sous forme de représentations et de valeurs où se constituent sa vision de lui-même et du monde»19. En ce sens, «l’identité est en elle-même d’abord un phénomène subjectif ; elle est avant tout une image de soi, à la fois représentation et sentiment. Elle appartient moins au champ de la réalité qu’à celui des représentations sociales, du mythe, de l’idéologie»20. Si le langage est l’un des instruments par lesquels s’expriment les schémas d’images, il est donc aussi, tel que l’ont défini les recherches sur la notion d’identité en sciences sociales et humaines, le «système symbolique par lequel l’identité accède au sens»21. Ainsi, le langage, premier et principal vecteur de communication et d’échange, donne la possibilité à l’individu (et au groupe) de construire ses propres visions de lui-même et du monde.22

Par ailleurs, les recherches récentes sur le concept d’identité insistent sur le fait que l’identité, si elle est un contenu, est également un processus faisant intervenir plusieurs éléments, comme l’indique entre autres la définition des chercheurs Codol et Tap :
L’identité est un système de représentations, de sentiments et de stratégies, organisé pour la défense conservatrice de son objet (le «être soi-même»), mais aussi pour son contrôle, sa mobilisation projective et sa mobilité idéalisante (le «devenir soi-même»). L’identité est un modèle structuré, différencié, à la fois ancré dans une temporalité passée (les racines, la permanence), dans une coordination des conduites actuelles et dans une perspective légitimée (projets, idéaux, valeurs et styles).23
Ce processus de construction implique donc des stratégies devant permettre de combler les besoins identitaires. Ces stratégies sont définies comme étant «des procédures de mises en œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par un acteur (individuel ou collectif) pour atteindre une, ou des finalités (définies explicitement ou se situant au niveau de l’inconscient), procédures élaborées en fonction de la situation d’interaction, c'est-à-dire en fonction des différentes déterminations (socio-historiques, culturelles, psychologiques) de cette situation»24.

Parmi les stratégies et outils disponibles pour qu’un individu (ou un groupe) modèle le contenu de son identité, mentionnons entre autres l’usage des mémoires. Ainsi, «modèle structuré […] ancré dans une temporalité passée (les racines, la permanence) »25, l’identité est directement liée à la mémoire. Les nombreuses recherches portant sur ces deux concepts témoignent constamment de leur rapport, en soulignant les manifestations possibles, et établissant finalement comme consensus l’«indissoluble lien»26 qui les unit. Dans son interprétation d’une expérience groupale, Lipiansky constate ainsi que les participants, pour avoir l’impression de former un groupe, donc de partager une identité, ressentent le besoin, notamment, d’«avoir une histoire commune»27. Il remarque alors que les membres d’un groupe, pour pouvoir constituer un tout homogène et cohérent, posent comme fondamentales certaines valeurs centrales qui peuvent se ramener à trois grands principes, dont celui de continuité28. Cette notion de continuité, mais aussi de constance, se manifeste notamment dans le mouvement, l’évolution et la progression souhaités pour le groupe29. Pour le chercheur, «la continuité d’un groupe est celle d’un être qui naît, se développe, grandit, s’épanouit et meurt»30. Dans cette perspective, il convient davantage de parler de «continuité dans le changement», puisqu’au cours d’une vie, l’identité est en perpétuelle construction : «Ainsi, la quête de l’identité apparaît bien comme un processus toujours inachevé et toujours repris, marqué par des ruptures et des crises, jusqu’à ce que le mot fin vienne en fixer plus ou moins arbitrairement le terme»31. L’identité serait donc plus «celle d’un processus évolutif que d’une constance substantielle». Ainsi, «si l’on peut dire que l’individu reste le même, c’est 'dans la mesure où, recueillant perpétuellement son passé dans son présent et résumant ses propres changements, il demeure solidaire de sa tradition entière'»32.

Cette notion de temporalité peut être dans cette perspective considérée comme une des finalités à atteindre. En effet, «les groupes, comme les individus, expriment le double besoin d’une filiation dans le passé, de racines historiques, même mythiques, et d’une possibilité de se projeter, en tant que groupe, dans l’avenir ; l’un et l’autre pôle, étroitement liés, constituent une dimension temporelle qui est une composante importante des identités et des revendications identitaires»33. Alex Mucchielli témoigne de cette appropriation des représentations du passé dans un objectif identitaire, en soulignant que «le sentiment d’identité demeure tant que le sujet (individu ou groupe) parvient à donner aux changements et aux altérations le sens de la continuité»34. En ce sens, l’identité est en constante et étroite relation avec les représentations du passé, triées et classées au sein de la mémoire du groupe. Cette dernière devient alors elle-même une stratégie identitaire devant permettre au groupe la «prise de conscience d’éléments partagés au cours d’une histoire commune»35 et générant ainsi le sentiment d’identité.

Cette approche de l’identité par la mémoire, et plus précisément par les mémoires, a d’ailleurs été privilégiée dans nombre d’études. Nous n’en ferons pas ici une historiographie exhaustive, trop complexe et qui déborderait largement le cadre de cet article. En effet, la mémoire suscite un réel engouement chez les chercheurs, notamment depuis les années 1970, grâce entre autres au développement de la nouvelle histoire. Les travaux précurseurs de Maurice Halbwachs concernant la mémoire collective36 semblent alors «redécouverts» et stimulent une production foisonnante d’études sur les différentes manifestations de la mémoire et les usages du passé à des fins identitaires. Tous les champs des sciences humaines et sociales sont alors ré-explorés, qu’ils se définissent d’abord plus particulièrement par leur aspect conceptuel37, par leur situation géographique38, par leur dimension temporelle39 ou culturelle prédominante, celle-ci pouvant alors, par exemple, porter sur l’art40, le religieux41, le familial42, etc, plusieurs de ces dimensions se croisant bien souvent dans la plupart des études.43

Plusieurs notions sont donc à la base du concept d’identité : représentations, mémoires, contribuent à former ce qui a été nommé «identité», qu’elle soit dans la littérature scientifique, individuelle ou collective. Un processus cependant n’a pas encore été intégré à notre réflexion, processus pourtant à la base de notre questionnement qui est de comprendre, rappelons-le, en quoi les schémas d’images peuvent permettre d’enrichir la performance scénique d’un artiste (ou d’un groupe d’artistes) et impliquer ainsi, émotionnellement, chacun des membres du public dans la création artistique ? Ce processus, pourtant central, est la communication elle-même : comment les concepts de représentations, métaphores et de mémoires peuvent-ils s’intégrer dans ce processus de communication et nourrir par le fait même notre réflexion ?


DAN SPERBER ET LES MÉTAREPRÉSENTATIONS : LA MISE EN RÉSEAU DES MÉMOIRES

En sciences cognitives, les conclusions de Dan Sperber offrent des pistes de réflexion particulièrement riches. Depuis les dernières années, Sperber s’est en effet penché, entre autres, sur les représentations, sur les métareprésentations, ainsi que sur la façon dont elles sont partagées pour produire un acte de communication44 . Investissant et définissant dans le même temps le champ de la pragmatique45, Sperber et ses collègues, dont Deirdre Wilson, ont ainsi proposé un nouveau modèle fondant l’acte de communication, en opposition au modèle de code46 selon eux insatisfaisant. Leur théorie repose sur la notion d’inférence, définie comme un processus mental semblable à un raisonnement, mais spontané, automatique et largement inconscient.47 Ainsi, «une inférence est un processus qui part de prémisses et aboutit à une conclusion, qui en ce sens fonctionne comme un raisonnement, mais qui peut opérer de façon automatique et inconsciente»48. Le processus de compréhension inférentielle, qui permet à un auditeur de «déduire» le sens des paroles (ou des mouvements) du locuteur, intègre logiquement la notion de contexte, sans lequel il est impossible à celui qui reçoit de comprendre le message qui lui est envoyé. C’est le niveau de pertinence en fonction du contexte qui permet la compréhension du sens du message, et optimise voire assure la réussite de la communication entre locuteur et auditeur. Ces chercheurs proposent donc le modèle inférentiel de la communication, selon lequel «le communicateur produit un indice du sens voulu», indice qui peut être de l’ordre du langage, mais aussi des mouvements, improvisés ou non, conventionnels ou non49. Le destinataire, selon Sperber, est capable de recevoir le «vouloir-dire» d’un communicateur à partir de l’ensemble des indices qu’il lui fournit, grâce à sa capacité «méta-représentationnelle», c'est-à-dire sa capacité de se représenter mentalement les représentations de l’Autre.50 Ce processus misant sur les notions de métareprésentations, d’inférence, de contexte, serait donc à la base, selon Sperber et ses collègues, de la communication, qu’elle soit verbale ou non verbale.

Cette définition du modèle inférentiel de communication implique une notion élargie de contexte, défini comme pouvant comporter «des connaissances d’arrière-plan, des connaissances générales, des connaissances culturelles»51. Comment ces connaissances sont-elles sollicitées dans l’acte de communication ? En quoi peuvent-elles être reliées à une des notions observées ici, à savoir la mémoire ? Sperber, dans sa réflexion sur la communication, s’est également penché sur ce concept de mémoire, se posant plus spécifiquement la question du fonctionnement de la mémoire collective. Définie dans les sciences humaines et sociales comme «l’accumulation et l’exploitation d’un ensemble relativement stable de croyances, de savoir-faire et de valeurs partagées»52, cette mémoire collective peut donc correspondre à un ensemble de représentations auxquelles le groupe se réfère pour s’identifier (ou s’opposer). Cependant, Sperber remet en question cette acception du terme «mémoire collective», admise au sein des sciences humaines et sociales, dans la mesure où le groupe, selon lui, n’est pas un organisme : «il n’a ni cerveau, ni esprit et, sauf dans un sens vague ou métaphorique, il ne pense pas, il ne raisonne pas, il ne désire pas, il ne décide pas. Il ne se souvient pas non plus»53. Sperber propose donc une nouvelle explication de ce phénomène de mémoire collective, qui fait appel à une articulation entre cognition et culture humaines. Sperber rappelle d’abord que la mémoire possède deux aspects indissociables, celui de réserve d’informations et celui d’ensemble de processus alimentant et exploitant cette réserve, et insiste sur le fait qu’un individu, dans son acte de mémoire, ne peut faire appel qu’à une quantité limité d’informations, qu’il réactive en fonction du contexte dans lequel il évolue et en fonction des besoins du moment présent. Sperber propose alors la théorie selon laquelle chacun de nous constituerait une réserve d’informations, que d’autres peuvent activer en fonction d’un degré de pertinence. Ainsi, la communication humaine est «une façon d’enrichir, de gérer et d’exploiter […] une mémoire externe, réserve et processus, qui est collective en ceci qu’elle est distribuée entre plusieurs personnes et gérées à travers leurs interactions»54. Il poursuit en expliquant que :
Une population humaine est habitée par une population considérablement plus large de représentations mentales distribuées entre les individus. A chaque fois que quelqu’un communique, il produit une perturbation dans l’environnement destinée tout d’abord à attirer et à retenir l’attention d’un destinataire, puis à donner à ce destinataire les moyens de construire une représentation mentale semblable à celle qu’il voulait transmettre. La perturbation externe qui permet ainsi d’associer deux représentations internes, celle de l’émetteur et celle du destinataire, est elle-même une représentation, publique cette fois. Les représentations publiques (aussi bien les paroles, que les gestes, les mimiques, les images et les écrits) mettent les mémoires individuelles en réseau.55
Cette façon d’aborder l’acte de communication, telle qu’il est théorisé par Sperber, peut rejoindre celle de Tor Norretranders, selon lequel l’information ne peut avoir de sens sans une forme de connaissance permettant de la décoder. Cette forme de connaissance est directement relié au contexte au sein duquel communiquent les interlocuteurs, et qui leur permettent le partage et l’interprétation de l’information véhiculée. Ce processus, que l’auteur nomme «exformation», s’apparente donc à celui défini par Sperber, les deux chercheurs accordant alors une place tout à fait privilégiée au contexte, sans lequel il devient impossible de donner un sens aux messages transmis.

Les notions de Sperber rejoignent celles de Tor Norretranders en lien avec la théorie de l’information56. Ayant noté que cette théorie, dans sa forme classique, caractérise le «contenu en information» d’un message uniquement en terme du nombre de «bits d’information», et, ainsi, n’est pas capable de distinguer entre un texte produit de manière aléatoire et une pièce de Shakespeare d’une même longueur, Norrestranders note que des chercheurs ont proposé un nouvel élément théorique qu’il nomme la «connaissance» ou l’ «exformation» pour le distinguer de «l’information». Pour eux, la connaissance est une mesure de l’information qui est rejetée pour faire un message. Ainsi, Shakespeare s’est servi d’une très grande connaissance qui ne se trouve pas explicitement dans le texte finale, quoique suggérée par le texte, alors qu’un texte produit de manière aléatoire ne peut faire référence à d’autres informations de la même manière. La mesure de la «connaissance», définie de cette manière, est alors très différente entre les deux textes. Cette mesure de la «connaissance» est, aussi, plutôt une caractérisation d’un processus que de la représentation qui en résulte de ce processus. Ce processus de rejection et d’activation ressemble au processus inférentiel prôné par Sperber et ses collaborateurs.

Essentiellement, les deux approches présument que les représentations culturelles ou de groupes se servent pour activer des réseaux de représentations chez de nombreux et différents individus, de manière analogue aux représentations linguistiques qui activeront des parties du cerveau de l’individu lors de l’acte de communication. Dans de tels réseaux d’activation, la notion de connaissance n’est plus maintenue par un «contenu» mais plutôt par une «périphérie» - la connaissance est ce qui réside «ailleurs».


LA NOTION D’IDENTITÉ, DE MÉMOIRE ET DES SCHÉMAS D’IMAGE DANS LA PERFORMANCE SUR SCÈNE

Partons de ce postulat selon lequel chaque être humain possède en lui des fragments de mémoire qu’il rend disponibles aux autres pour former une mémoire collective partageable et partagée, et considérons que l’acte de communication, qu’il soit verbal ou non verbal, fait intervenir des représentations interprétées par l’auditeur en fonction du degré de pertinence propre au contexte, qu’il soit présent ou passé. N’est-il pas possible de penser que nous pourrions adapter ce processus aux schémas d’images tels qu’ils sont définis plus haut et permettre ainsi de comprendre comment ils peuvent, eux aussi, être non seulement partagés mais aussi interprétés ? En effet, nous pensons qu’il est possible d’envisager que les schémas d’images soient des représentations imagées d’idées ou d’émotions, qui peuvent être mises en scène grâce aux mouvements corporels et aux éléments mobiles dans la musique, le jeu de lumières, et ainsi de suite. Ces mouvements, en étant transmis à l’Autre, pourraient réactiver chez lui des fragments de mémoires idéelles ou émotives, lui permettant, grâce au contexte dans lequel il a évolué et à celui dans lequel il évolue dans le moment présent, d’interpréter le message corporel émotif que l’artiste souhaite lui transmettre. Un artiste, ou un groupe d’artistes, en misant sur des schémas d’images adéquats, pourraient donc s’assurer d’activer chez les membres de leur public le maximum de fragments mémoriels, leur permettant ainsi de s’investir émotionnellement dans la création artistique. Le corps, en partant à la recherche des mémoires, permettrait alors un meilleur partage des émotions.

Ce faisant, les métaphores mises en œuvre dans la présentation artistique vont pouvoir interagir avec les métaphores qui forment une partie de l’identité de chaque individu présent dans l’auditoire. Dans la mesure où ces métaphores peuvent être associées à des valeurs et des sentiments, l’identité de chaque membre de l’auditoire sera confronté ou trouvera une complicité, enrichissant ainsi l’expérience identitaire de l’auditoire. Cela pourrait expliquer en partie, peut-être, la fascination perpétuelle des auditoires vis-à-vis des performances artistiques fortes, qui serviraient alors à alimenter le processus de (re)construction identitaire.


EN GUISE DE CONCLUSION : SCHÉMAS D’IMAGES, VALEURS, REPRÉSENTATIONS, MÉMOIRES : UN CADRE D’ANALYSE PROMETTEUR

Ces pistes de réflexion font alors intervenir les concepts de valeurs et de représentations, qui pourraient être très utiles pour une lecture et une compréhension plus précise des schémas d’images et pour une plus grande optimisation de leur utilisation dans les arts de la scène. En effet, il serait très pertinent d’identifier les valeurs et contre-valeurs, prônées et/ou dénigrées,57 associées à chacun des schémas d’images connus. La construction d’un thesaurus axiologique58 permettrait alors aux artistes de la scène de prendre des décisions plus éclairées en ce qui concerne leurs chorégraphies ou mises en scène, selon les réactions qu’ils souhaitent obtenir de la part de leurs publics. Grâce à ce thesaurus des valeurs inhérentes aux schémas d’images, il pourrait être possible d’évaluer des niveaux de perméabilité émotionnelle d’un public spécifique, en tenant compte de ses spécificités culturelles et identitaires. Plusieurs moyens techniques et scientifiques permettraient de capter ses réactions : observations de ses mouvements par caméra, observation de ses fonctions physiologiques (pouls, sudation, tension…), mais également récolte, pendant ou après la prestation scénique, de ses perceptions et de la mémoire de ses émotions. Les pistes de recherches appliquées sont donc nombreuses, variées et convergentes, qui permettraient l’élaboration d’un outil destiné aux artistes de la scène afin d’optimiser leurs performances scéniques.


NOTES

1 Dans son livre Information Arts : Intersections of Art, Science, and Technology, Cambridge, Mass. : MIT Press, 2002, 945 p., Stephen Wilson note que les artistes qui osent prendre en charge des approches scientifiques dans leurs œuvres sont fortement critiqués et marginalisés par la communauté d’artistes.

2 Geoffrey Edwards, «La géomatique et les arts de la scène. Bilan des séances d’observation chez les Ex Machina pour les répétitions de La Trilogie des Dragons du lundi le 10 février 2003 au lundi le 17 février 2003», p.9.

3 master sharing international, 2006, Ariadne Emerging, vidéoclip.

4 Edwards, G., et M. L. Bourbeau, 2005, « Image schemata – a guiding principle for multimodal expression in performance design », International Journal of Performance Art and Digital Media, Volume 1(3), 189-206, available online at http://www.intellectbooks.co.uk.

5 Mentionnons qu’il n’est pas ici question de redéfinir le concept de schémas d’images dans tous ses détails, mais bien plutôt d’en comprendre le sens global afin de pouvoir effectuer les liens adéquats avec les concepts de représentations, mémoires et identité. Pour une compréhension plus détaillée des schémas d’images, le lecteur pourra notamment se reporter aux travaux de Johnson et Lakoff.

6 Voir entre autres George Lakoff, Women, Fire and Dangerous Things : what Categories Reveal about the Mind, Chicago, University of Chicago Press, 1987, 614 p.; George Lakoff et Mark Johnson, Les métaphores dans la vie quotidienne, Paris, Éditions de Minuit, 1985, 254 p.

7 Mark Johnson, The Body in the Mind, Chicago, University of Chicago Press, 1987, p.29.

8 Exemple cité dans Lakoff et Johnson, Les métaphores dans la vie quotidienne.

9 Les catégories regroupant ces schémas d’images sont les suivantes : relations spatiales, relations temporelles, relations «de chemin», force, quantité, action. Les schémas d’images qui s’y classent peuvent par exemple être «contenant», «surface», «centre-périphérie», «blocage», «expansion», «équilibre», … Pour plus de précisions, voir notamment la liste établie par Geoffrey Edwards et Marie Louise Bourbeau. Dans «Image schemata – a guiding principle for multi-modal expression in performance design», loc.cit, p.192-193.

10 Ils se retrouvent ainsi dans toutes les langues, ce qui laisse supposer qu’il serait particulièrement pertinent de les mettre à profit dans de nombreuses occasions pour faciliter l’acte de communication, notamment dans les arts de la scène, pour optimiser les performances scéniques.

11 N’est-ce pas là un bel exemple de schémas d’images ?

12 L’ensemble de la réflexion qui suit, concernant les concepts d’identité, de représentations sociales et de valeurs, ainsi que de mémoire, est issu de la thèse d’Isabelle Dornic. Isabelle Dornic, «Hier ne meurt jamais. Vision et désillusions d’une quête identitaire féminine au Québec. La Bonne Parole, organe de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, 1913-1958», Thèse de doctorat, Université Laval, 2004, 543 p. Ce sont par ailleurs les mêmes concepts qu’utilise Isabelle Dornic dans ses recherches postdoctorales en management, effectuées au CIRRELT (Université Laval, Québec) et dont l’objectif principal est de comprendre l’image de l’innovation et son influence sur le processus d’innovation.

13 Voir ainsi Serge Moscovici, La psychanalyse, son image, son public, Paris, Presses universitaires de France, 1976 (1961), 650 p.

14 Alain Corbin affirme même qu’ «il serait, à l’évidence, absurde de concevoir une histoire des sensibilités, de la psychologie collective ou, si l’on préfère, des mentalités, qui ne serait pas d’abord celle des représentations». Alain Corbin, «Le vertige des foisonnements. Esquisse panoramique d’une histoire sans nom», Revue d’histoire moderne et contemporaine, Volume 39, No 1 (janvier-mars 1992), p.117.

15 Alain Corbin, «Le vertige des foisonnements. Esquisse panoramique d’une histoire sans nom», Revue d’histoire moderne et contemporaine, Volume 39, No 1 (janvier-mars 1992), p.117. Voir aussi Roger Chartier, «Le monde comme représentation», Annales ESC, No 6 (novembre-décembre 1989), p.1505-1520 ; Alain Bourreau, «Propositions pour une histoire restreinte des mentalités», Annales ESC, No 6 (novembre-décembre 1989), p.1491-1504 ; Jacques Revel, «Mentalité», dans Dictionnaire des Sciences historiques, sous la dir. de André Burguière, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p.450-456.

16 Guy Durandin, dir., «Méthode d’étude des valeurs dans des messages de propagande», Année psychologique, No 79 (1979), p.181, cité dans Jérôme Coutard, Des valeurs en guerre. Presse, propagande et culture de guerre au Québec, 1914-1918, Thèse de doctorat, Université Laval, Québec, 1999, p.27.

17 Edmond-Marc Lipiansky, L’identité française. Représentations, mythes, idéologies, La Garenne-Colombes, Éditions de l’Espace européen, 1991, p.9.

18 Edmond-Marc Lipiansky, Identité et communication. L’expérience groupale, Paris, Presses universitaires de France, 1992, p.31.

19 Edmond-Marc Lipiansky, «Identité, communication et rencontres inter-culturelles», Cahiers de sociologie économique et culturelle (ethnopsychologie), no 5 (juin 1986), p.21.

20 Lipiansky, L’identité française, p.3.

21 Lipiansky, Identité et communication, p.31-32.

22 Lipiansky, «Identité, communication et rencontres inter-culturelles», loc.cit, p.21.

23 J.P. Codol et P. Tap, Revue internationale de psychologie sociale, no 2 (1988), p.169, cité dans Lipiansky, Identité et communication, p.45.

24 Edmond Marc Lipiansky, Isabelle Taboada-Leonetti et Ana Vasques, «Introduction à la problématique de l’identité», dans Stratégies identitaires, sous la direction de Carmel Camilleri et al, Paris, Presses universitaires de France, 1990, p.24.

25 Nous reprenons ici un extrait de la définition de l’identité élaborée par les chercheurs Jean-Pierre Codol et Pierre Tap, que nous avons prise comme support à notre réflexion. Codol et Tap, «Avant-propos», loc.cit, p.168-169.

26 Comme en témoigne Joël Candau. Joël Candau, Mémoire et identité, Paris, Presses universitaires de France, 1998, p.2.

27 Lipiansky, Identité et communication, p.90.

28 Les deux autres principes sont celui d’unité et l’intégration, qui se manifeste notamment par le besoin d’un même niveau d’implication de tous les membres dans l’acte de communication. Ibid., p.93 et suivantes.

29 Ainsi, les participants de ses séances de communication groupale témoignent de leur volonté que leur groupe «avance», «bouge», «progresse», ce qui est ressenti très positivement. Ibid., p.97.

30 Ibid.

31 Ibid., p.37.

32 Définition issue, comme le précise Lipiansky, du dictionnaire philosophique de Lalande. Ibid., p.42. Pierre Tap souligne également cette caractéristique dans l’élaboration de l’identité personnelle. Il indique alors le paradoxe que représente le changement de soi dans la continuité, que doit gérer toute personne. «Marquer sa différence. Entretien avec Pierre Tap», Sciences humaines, «Identité, Identités. L’individu, le groupe, la société», Hors-série, no 15 (dévembre 1996-janvier 1997), p.9-10.

33 Isabelle Taboada-Léonetti, «Stratégies identitaires et minorités : le point de vue du sociologue», dans Camilleri, loc.cit, p.56.

34 Mucchiell, L’identité, p.53.

35 Ibid.

36 Et notamment deux de ses ouvrages, majeurs. Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1994 (1925), 370 p; Idem, La mémoire collective, Paris, Presses universitaires de France, 1950, 204 p.

37 Alan Baddeley, La mémoire humaine. Théorie et pratique, Grenoble, Presses de l’Université de Grenoble, 1993, 548 p; Gaston Bachelard, La dialectique de la durée, Parie, Presses universitaires de France, 1989 (1950), 152 p; Roger Bastide, «Mémoire collective et sociologie du bricolage», Bastidiana, no 7-8, p.209-242; Joël Candau, Anthropologie de la mémoire, Paris, Presses universitaires de France, 1996, 128 p; Idem, Mémoire et identité, 225 p; César Flores, La mémoire, Paris, Presses universitaires de France, 1972, 128 p; Nicole Lapierre, (dir), «La mémoire et l’oubli», Communications, no 49 (1989); Jacques Le Goff, Histoire et mémoire, Paris, Gallimard, 1988, 410 p. Gérard Namer, Mémoire et société, Paris, Méridiens Klincksieck, 1987, 242 p; Moses I. Finley, Mythe, mémoire, histoire. Les usages du passé, Paris, Flammarion, 1981, 270 p; Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000, 675 p; Dan Sperber, La contagion des idées, Paris, Odile Jacob, 1996, 246 p; Marc Augé, Les formes de l’oubli, Paris, Payot et Rivages, 1998, 121 p; Jean-Pierre Rioux, «La mémoire collective», dans Rioux et Sirinelli, Pour une histoire culturelle, p.325-352.

38 Le national, mais aussi le régional et même le local sont alors ré-examinés sous l’angle de la mémoire et de l’identité. Voir ainsi Lucien Aschieri, Le passé recomposé. Mémoire d’une communauté provençale, Marseille, Tacussel, 1985, 260 p; Benedict Anderson, L’imaginaire national, Paris, La Découverte, 1996, 216 p; De l’Europe. Identités et identité. Mémoires et mémoire, Actes du colloque Euro-Histoire de Montpellier (1992), Toulouse, Press. Univ. Sciences Sociales, 1996; et bien sûr l’incontournable collection, en sept volumes, dirigée par Pierre Nora, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1984-1992.

39 De nombreuses périodes sont alors revisitées elles aussi grâce à ce concept. Voir ainsi Gadi Algazi, «Violence, mémoire et pouvoir seigneurial à la fin du Moyen Âge», Actes de la recherche en sciences sociales, no 105 (décembre 1994), p.26-28; Stéphane Audoin-Rouzeau, «Oublis et non-dits de l’histoire de la Grande Guerre», Revue du Nord, t. LXXVIII (avril-juin 1996), p.355-365. Gérard Belloin, Entendez-vous dans nos mémoires… ? Les Français et leur Révolution, Paris, La Découverte, 1988, 270 p; Benjamin Stora, La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte / Poche, 1998 (1991), 378 p.

40 Voir notamment Jean-Philippe Antoine, «Mémoire, lieux et invention spatiale dans la peinture italienne des XIIIe et XIVe siècles», Annales ESC, no 6 (novembre-décembre 1993), p.1447-1469.

41 François Boespflug, Françoise Dunand et Jean-Paul Willaime, Pour une mémoire des religions, Paris, La Découverte, 1996, 204 p; Grace Davie et Danielle Hervieu-Léger, Identités religieuses en Europe, Paris, La Découverte, 1996, 336 p. Danielle Hervieu-Léger, La religion pour mémoire, Paris, Cerf, 1993, 273 p.

42 L. Assier-Andrieu, «Maison de mémoire. Structure symbolique du temps familial en Languedoc : Cucurnis», Terrain, no 9 (1987), p.10-33; A. Burguière, «La mémoire familiale du bourgeois gentilhomme : généalogies domestiques en France aux XVIIe et XVIIIe siècles», Annales ESC, no 4 (1991), p.771-788; Anne Muxel, Individu et mémoire familiale, Paris, Nathan, 1996, 230 p. Josette Coenen-Huther, La mémoire familiale : un travail de reconstruction du passé, Paris, L’Harmattan, 1994, 268 p.

43 Signalons pour terminer que la liste des ouvrages exposés ici est loin d’être exhaustive. Parcourir les bibliographies de ces ouvrages permet ainsi de prendre conscience de l’ampleur de la richesse, tant en nombre qu’en qualité, des études sur la mémoire et le lien qu’elle entretient avec l’identité.

44 Voir ainsi, entre autres, outre le célèbre La contagion des idées, les articles suivants : Dan Sperber, «La communication et le sens», dans Qu’est-ce que l’humain ? Université de tous les savoirs, volume 2, sous la direction d’Yves Michaud, Paris, Odile Jacob, 2000, p.119-128 (en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ) ; Dan Sperber, «L’individuel sous influence du collectif», La Recherche, Volume 344 (juillet-août 2001), p.32-35 (en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/memoire.htm ) ; Dan Sperber, La contagion des idées, Paris, Odile Jacob, 1996, 243 p. Pour en savoir plus sur Dan Sperber, voir son site internet à l’adresse suivante : dan sperber.com.


45 La pragmatique, soit la compréhension des énoncés en contexte, est l’une des branches de la linguistique. Pour plus de précisions, voir entre autres Deirdre Wilson et Dan Sperber, La Pertinence, Communication et Cognition, Paris, Éditions de Minuit, 1989, 396 p.; Gloria Origgi et Dan Sperber, « Qu’est-ce que la pragmatique peut apporter à l’étude de l’évolution du langage ? », dans L’origine de l’homme du langage et des langues, sous la dir. De Jean-Marie Hombert, (à paraître), en ligne à l’adresse suivante : http://dan.sperber.com/Pragmatique-et-evolution.pdf.


46 Rappelons que le modèle de code repose sur l’idée que «ce qui permet de partager [des] idées, […] c’est la possession d’un code commun». Ce code, tel les langues, permettrait à un locuteur d’encoder «au moyen d’une expression le sens qu’il veut communiquer», alors que «l’auditeur décode l’expression et identifie ainsi le sens voulu». Selon Sperber, ce modèle ne peut être valide dans la mesure où «les phrases d’une langue humaine, […] riches de sens linguistique […], ne donnent jamais qu’une indication toujours ambigüe et toujours incomplète du sens voulu par le locuteur». Ce modèle ne peut donc suffire pour expliquer la complexité de l’acte de communication. Pour plus de précisions, voir Dan Sperber, «La communication et le sens», dans Qu’est-ce que l’humain ? Université de tous les savoirs, Volume 2, sous la dir. d’Yves Michaud, Paris, Odile Jacob, p.2, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


47 Dan Sperber, «La communication et le sens», dans Qu’est-ce que l’humain ? Université de tous les savoirs, Volume 2, sous la dir. d’Yves Michaud, Paris, Odile Jacob, p.3, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


48 Dan Sperber, loc.cit, p.3, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


49 Dan Sperber, loc.cit, p.5, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


50 Dan Sperber, loc.cit, p.6, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


51 Dan Sperber, loc.cit, p.4, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


52 Dan Sperber, «L’individuel sous influence du collectif», La Recherche, Volume 344 (juillet-août 2001), p.1 (en ligne à l’adresse : dan.sperber.com/mémoire.htm ).


53 Dan Sperber, loc.cit, p.1 (en ligne à l’adresse : dan.sperber.com/mémoire.htm ).


54 Dan Sperber, loc.cit, p.2-3 (en ligne à l’adresse : dan.sperber.com/mémoire.htm ).


55 Dan Sperber, «L’individuel sous influence du collectif», La Recherche, Volume344 (juillet-août 2001), p31 (en ligne à l’adresse : dan.sperber.com/mémoire.htm) ). Il ajoute que «les représentations qui se transmettent de génération en génération ou qui se diffusent dans une population entière constituent cette partie relativement stable de la mémoire distribuée que nous appelons la culture».


56 Tor Norretranders, The User Illusion : Cutting Consciousness Down to Size, Penguin Press Science Series, 1999.


57 En effet, les valeurs, par définition antinomiques, fonctionnent par paires opposées. L’acte de communication implique alors l’activation de valeurs (v) et contre-valeurs (cv) qui sont, selon le contexte et les objectifs visés par le medium, prônées ou dénigrées.


58 L’axiologie s’applique à théoriser les valeurs.