Tuesday, August 25, 2015

L'opéra participatif - un project de collaboration massive

Le résultat de la convergence de plusieurs efforts depuis de nombreuses années, ce projet représente la pièce de résistance de ma carrière universitaire de plus de 35 ans. En effet, durant les cinq dernières années, en plus de mener un programme de recherche à la croisée entre les sciences de la géomatique et de la réadaptation, d'un part, et des arts médiatiques et de l'installation de l'autre, j'ai mis en branle un vaste projet de redaction de science fiction et j'ai pu créer et mettre en ventre deux collections de vêtements de ma propre conception. Le projet d'opéra participatif, financé en juin de cette année (2015), vient consolider ces divers efforts en un seul projet unificateur. En effet, le projet propose de travailler à partir de mon texte non encore publié de science fiction à titre de scénario, d'intégrer plusieurs de mes créations vestimentaires, et de bénéficier de mon expertise en environnements/vêtements intelligents. Le projet, qui se réalise en collaboration avec plusieurs chercheurs/artistes du département de musique de l'université Laval, ainsi que certains collaborateurs de l'extérieur de l'université, propose également d'inclure le publique à la fois dans la phase de développement de l'opéra que dans le spectacle final livré.

Le livre de science fiction qui sert de scénario de base est, au fait, une petite partie d'une oeuvre de près de 2500 pages, actuellement complétée à 65%. Ce projet ambitieux présente, en effet, un "vast narrative", une histoire complexe impliquant des certaines de personnages, planètes et habitats, et plus de 250 ans de "l'histoire du futur". De plus, la plupart des personnages et des histoires sont ancrés dans ou inspirés des mythes grecques concernant dieux et héros, et en particulier, les histoires d'Orestes et Elektra ("L'Orestia"), d'Orphée et Eurydice, d'Ulysse et Pénélope, et de Jason, Medée et des Argonauts. Le scénario de l'opéra ne porte que sur les toutes premières pages de ce vaste histoire, soient les années de jeunesse du personnage centrale, Oreph Sodenheim (inspiré à la fois d'Orestes et d'Orphée).

Outre ce scénario (dont découle le livret de l'opéra), nous proposons de solliciter la participation de divers membres du publique à travers un site web pour le projet, permettant à ceux-ci d'influencer à la fois le scénario, la musique et la chorégraphie, ains que certains aspects de la mise en scène. De plus, nous proposons de fournir des vêtements intelligents à un certain nombre de personnes - ces vêtements seront dotés de capteurs qui permettront la saisie de mouvements, etc. et serviront ainsi comme interface pour une partie ciblée du publique. Ce projet passionnant est ainsi à la fine pointe de la recherche à la fois du point de vue technologie que de l'innovation artistique et représente une oeuvre de création qui pourra faire vitrine de la recherche avoisinante. À suivre!

Tuesday, January 1, 2008

Le partage des émotions ou quand le corps part à la recherche des mémoires

Des pistes de réflexion pour l’élaboration de nouvelles orientations dans les arts de la scène

Isabelle Dornic et Geoffrey Edwards


UN CADRE DE RÉFLEXION

Depuis quelques années, pendant que le monde scientifique et celui des arts se retrouvent au sein d’initiatives communes, nous assistons à la diffusion d’un discours prônant et se félicitant de collaborations multidisciplinaires entre des domaines de plus en plus variés et accordant une certaine visibilité aux équipes de chercheurs scientifiques qui travaillent de paire avec des artistes. Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui encore, le mur qui sépare scientifiques et artistes résiste encore. Car même si les deux groupes peuvent se vanter d’apporter leurs contributions scientifiques et artistiques à des projets communs, rares sont cependant les échanges méthodologiques d’une discipline à l’autre, chacun ne modifiant guère ses méthodes de travail respectives. Ainsi, pendant que nombre d’artistes démontrent une résistance aux approches scientifiques1, les chercheurs scientifiques, de leur côté, ne se résignent pas à abandonner leur objectivisme sacré pour un nouveau terrain à mi-chemin entre ces deux mondes. Pourtant, pour qu’un véritable travail partagé puisse émerger, au-delà des observations du territoire de l’autre, c’est une transformation de l’un par l’autre qui doit s’installer. C’est à une transgression des règles méthodologiques intrinsèques à chaque discipline que nous devons assister.

Cependant, plusieurs «terres du milieu», pour reprendre le terme de Tolkien, existent probablement. Le travail paradoxal de trouver un terrain de vrai partage entre artistes et scientifiques doit se faire en gardant la nécessité de l’être de chacun – en effet, il faut une double exigence de rigueur. La solution ne réside pas tant dans l’abandon de la nécessité de rigueur ni de l’un groupe, ni de l’autre, que dans la construction d’une nouvelle forme de rigueur qui trouve ses racines dans chacune des anciennes.

Dans cet article, nous explorerons donc l’une de ces terres du milieu. Nous porterons en effet notre attention sur la présence de l’identité, et sa transmission, dans l’expression artistique, ainsi que sur son importance dans la quête de représentations explicites appuyées par de nouvelles technologies. Nous nous intéresserons également aux liens entre identité, émotion et cognition, et tenterons de montrer comment les relations que ces notions entretiennent les unes avec les autres peuvent permettre l’identification de nouvelles perspectives scientifiques de caractérisation formelle des œuvres d’art. Notre enquête se veut, enfin, aussi ouvrir sur de nouvelles possibilités d’identité tant chez les scientifiques que chez les artistes. Nos outils pour ce travail sont centrés sur des méthodes issues des sciences sociales. À cela nous allons également puiser dans des méthodologies de recherche qui relèvent des sciences appliquées telle que la géomatique, mais aussi des sciences fondamentales, comme la cognition, et des arts.

De plus, notre enquête sera alimentée par des observations qui mettent à profit l’espace disponible sur scène (qu’elle soit physiquement présente ou non) et qui tentent de comprendre comment cet espace est utilisé pour offrir une performance à un public. Ces observations, qui ont porté d’abord sur les séances de répétition de La Trilogie des Dragons, pièce jouée par Ex Machina2, ont ensuite été orientées sur l’air du Lamento d’Arianna, de Claudio Monteverdi, dans le cadre d’une performance de chant et de danse menée par Marie Louise Bourbeau et Lina Cruz3. Dans ces travaux, il a été constaté qu’un concept en particulier semble porteur, celui des schémas d’image4, et que nombreux exemples de ces schémas se trouvent cachés dans le langage de conception artistique.

Une série d’observations et d’analyses ont ainsi amené une réflexion sur la triple convergence de la géomatique, des sciences cognitives et des arts de la scène. Cette conjoncture de disciplines facilitera selon nous l’élaboration d’outils permettant aux artistes de rendre leurs performances scéniques plus efficaces et d’impliquer ainsi encore davantage leurs publics. Cet objectif, pour être atteint, doit pour le moment passer par une réflexion sur les liens existant entre ces différentes disciplines, et plus spécifiquement entre certains concepts qu’elles sollicitent. Ainsi, quelles sont les interactions entre schémas d’images, valeurs, représentations, mémoires et identité ? Comment cette interaction peut-elle être mise à profit pour optimiser les arts de la scène et faire en sorte que le public s’investisse émotionnellement dans la performance de l’artiste ?

Afin de pouvoir adéquatement établir des liens entre ces concepts, commençons par les définir. Nous aurons alors l’occasion de comprendre, dans un premier temps, ce que sont les schémas d’images, ainsi que ce qu’ils sous-tendent. Nous nous attarderons ensuite sur les concepts de représentations, mémoires et identité et tenterons de dégager les liens qu’ils entretiennent avec les schémas d’images. Cet exercice devrait nous permettre de parvenir à valider l’hypothèse selon laquelle les schémas d’images, mouvements corporels partagés et intégrés comme fragments de mémoire en chacun de nous, peuvent devenir des outils permettant d’enrichir les arts de la scène et impliquer les membres d’un public dans la performance de l’artiste. De cette manière, nous devrions être en mesure de faire progresser notre réflexion sur l’une des manières de mettre ensemble une démarche scientifique et une artistique.


LES SCHÉMAS D’IMAGES OU QUAND LE GESTE DONNE SENS

Les chercheurs George Lakoff et Mark Johnson se sont longuement penchés sur le concept de schéma d’images5 et ont tenté, en plusieurs étapes dans divers ouvrages6, non seulement d’en donner une définition, mais également d’en cerner le fonctionnement. L’ouvrage de Mark Johnson, The Body in the Mind, offre des pistes particulièrement intéressantes. Selon cet auteur, les schémas d’images constituent en effet une façon d’être au monde, non seulement par l’esprit mais aussi par le corps. Ainsi, «a schema is a recurrent pattern, shape, and regularity in, or of, these ongoing perceptions, and conceptions.… These patterns emerge as meaningful structures for us chiefly at the level of our bodily movements through space, our manipulation of objects, and our perceptual interactions»7. Il ajoute que les schémas d’images «are those recurring structures of, or in, our perceptual interactions, bodily experiences, and cognitive operations». Dans cette perspective, les schémas d’images constitueraient, selon l’auteur, des structures permettant la compréhension, structures par ailleurs inscrites dans le langage grâce à la métaphore. Des expressions telles que «tomber amoureux», faisant appel à la métaphore, s’inscrivent ainsi dans un schéma d’image spécifique, qui est celui du «conteneur»8. Le geste, le mouvement du corps, permet alors (qu’il soit physique ou métaphorique) non seulement de donner du sens, donc d’interpréter, mais aussi d’exprimer une émotion. Au total, une cinquantaine de schémas d’images, classés en quelques catégories génériques9, ont pu être identifiés, qui auraient un caractère universel10.

Ces structures de compréhension que constituent les schémas d’images, exprimées tant dans le langage verbal et corporel que dans d’autres formes d’expression (architecturale, musicale, visuelle…), sont donc, selon ces définitions, très sensibles dans la façon que nous avons de percevoir le monde et d’exprimer nos idées et nos émotions. Elles ont alors un caractère public et partagé qui nous intéresse tout particulièrement. Mais comment ces schémas d’images, qui structurent notre compréhension du monde et prennent corps dans le langage, quel qu’il soit, peuvent-ils devenir publics et partagés ? Comment d’autres concepts, issus de la psychologie sociale, peuvent-ils nous aider à comprendre ce processus de transmission et de partage ? Quels sont, en d’autres termes, les liens qui peuvent être établis entre les schémas d’images et d’autres concepts que sont les valeurs, les représentations, les mémoires et l’identité ? Pour pouvoir comprendre ces liens, nous devons d’abord emprunter le chemin11 de la définition. En quoi consistent ces concepts, quels en sont les usages et comment fonctionnent-ils ? C’est ce que nous allons pouvoir comprendre maintenant.


VALEURS, REPRÉSENTATIONS, MÉMOIRES ET IDENTITÉ : UN AUTRE CADRE STRUCTURANT12

Les termes et expressions utilisés pour définir et conceptualiser les schémas d’images, tels que «perception», «imagination», «façons d’être au monde» se rapportent à un champ largement développé dans les sciences humaines et sociales tout au long du XXe siècle et plus spécifiquement au cours des dernières décennies, celui des représentations mentales et sociales. C’est ainsi à Émile Durkheim et Marcel Mauss que nous devons les premières grandes analyses des «représentations collectives» en ce début de siècle. Une longue série de penseurs leur succèdera, dans diverses disciplines, pour s’intéresser alors, comme Lévy-Bruhl (1910), aux «fonctions mentales» ou, comme Charles Blondel, aux «mentalités primitives» (1922 et 1926). George Lefebvre et les créateurs des Annales, Marc Bloch, Lucien Febvre puis Fernand Braudel, des années 1920 aux années 1950, ont quant à eux porté leur attention sur la «psychologie et l’anthropologie historique», les «sensibilités» et «l’outillage mental». Les années 1960 voient par la suite s’affirmer les notions de «structures et d’attitudes mentales», avec des historiens tels Robert Mandrou, Michel Vovelle, Philippe Ariès, Pierre Chaunu et Jacques Le Goff. Les psychologues, de leur côté, sous l’impulsion de Serge Moscovici13 en 1961, redécouvrent la notion de représentations sociales et réinvestissent ce champ d’études avec de multiples et riches questionnements. Depuis la fin des années 1980, les représentations sont au cœur des réflexions de spécialistes de diverses disciplines14. De nombreuses définitions ont alors pu être fournies, selon les angles d’approche privilégiés. C’est cependant celle d’Alain Corbin que nous retiendrons dans le cadre de notre propre réflexion. Ainsi,
les représentations qu’un individu se fait du monde, d’un éventuel au-delà, de lui-même et de l’autre règlent le jeu du désir et de la répulsion ; décident des figures de l’angoisse et de l’horreur. Le système de représentations ne fait pas qu’ordonner le système d’appréciation, il détermine les modalités de l’observation du monde, de la société et de soi ; en fonction de lui s’organise la description de la vie affective. C’est lui qui, en dernier ressort, régit les pratiques.15
Cette définition intègre par ailleurs une notion centrale qui est celle de valeurs, dont la définition la plus intéressante est fournie par le psychologue social Guy Durandin, selon qui les valeurs sont les «critères du désirable et du haïssable propres à une société donnée à un moment donné»16.

Ces deux concepts, valeurs et représentations, qui fonctionnent l’un avec l’autre de façon très étroite, s’intègrent par ailleurs dans un autre, plus englobant et tout aussi riche, celui d’identité. En effet, les diverses et très nombreuses définitions du concept d’identité font clairement ressortir celui, central, de représentations sociales. Ainsi, selon Edmond-Marc Lipiansky, les représentations sociales, «instituées et transmises par le langage quotidien et le discours des médias, sont ce par quoi les individus et les groupes s’assurent une mise en forme et une maîtrise de leur environnement et s’approprient la culture ; en même temps, elles permettent une figuration de la réalité psychique où le sujet peut saisir objectivées son identité et celle de la société»17. Le langage, première manifestation tangible de l’identité, est donc le lieu où se constituent les représentations, les valeurs et les idéologies18. Aussi, «tout en inscrivant la culture dans l’homme, [le langage] la projette devant lui sous forme de représentations et de valeurs où se constituent sa vision de lui-même et du monde»19. En ce sens, «l’identité est en elle-même d’abord un phénomène subjectif ; elle est avant tout une image de soi, à la fois représentation et sentiment. Elle appartient moins au champ de la réalité qu’à celui des représentations sociales, du mythe, de l’idéologie»20. Si le langage est l’un des instruments par lesquels s’expriment les schémas d’images, il est donc aussi, tel que l’ont défini les recherches sur la notion d’identité en sciences sociales et humaines, le «système symbolique par lequel l’identité accède au sens»21. Ainsi, le langage, premier et principal vecteur de communication et d’échange, donne la possibilité à l’individu (et au groupe) de construire ses propres visions de lui-même et du monde.22

Par ailleurs, les recherches récentes sur le concept d’identité insistent sur le fait que l’identité, si elle est un contenu, est également un processus faisant intervenir plusieurs éléments, comme l’indique entre autres la définition des chercheurs Codol et Tap :
L’identité est un système de représentations, de sentiments et de stratégies, organisé pour la défense conservatrice de son objet (le «être soi-même»), mais aussi pour son contrôle, sa mobilisation projective et sa mobilité idéalisante (le «devenir soi-même»). L’identité est un modèle structuré, différencié, à la fois ancré dans une temporalité passée (les racines, la permanence), dans une coordination des conduites actuelles et dans une perspective légitimée (projets, idéaux, valeurs et styles).23
Ce processus de construction implique donc des stratégies devant permettre de combler les besoins identitaires. Ces stratégies sont définies comme étant «des procédures de mises en œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par un acteur (individuel ou collectif) pour atteindre une, ou des finalités (définies explicitement ou se situant au niveau de l’inconscient), procédures élaborées en fonction de la situation d’interaction, c'est-à-dire en fonction des différentes déterminations (socio-historiques, culturelles, psychologiques) de cette situation»24.

Parmi les stratégies et outils disponibles pour qu’un individu (ou un groupe) modèle le contenu de son identité, mentionnons entre autres l’usage des mémoires. Ainsi, «modèle structuré […] ancré dans une temporalité passée (les racines, la permanence) »25, l’identité est directement liée à la mémoire. Les nombreuses recherches portant sur ces deux concepts témoignent constamment de leur rapport, en soulignant les manifestations possibles, et établissant finalement comme consensus l’«indissoluble lien»26 qui les unit. Dans son interprétation d’une expérience groupale, Lipiansky constate ainsi que les participants, pour avoir l’impression de former un groupe, donc de partager une identité, ressentent le besoin, notamment, d’«avoir une histoire commune»27. Il remarque alors que les membres d’un groupe, pour pouvoir constituer un tout homogène et cohérent, posent comme fondamentales certaines valeurs centrales qui peuvent se ramener à trois grands principes, dont celui de continuité28. Cette notion de continuité, mais aussi de constance, se manifeste notamment dans le mouvement, l’évolution et la progression souhaités pour le groupe29. Pour le chercheur, «la continuité d’un groupe est celle d’un être qui naît, se développe, grandit, s’épanouit et meurt»30. Dans cette perspective, il convient davantage de parler de «continuité dans le changement», puisqu’au cours d’une vie, l’identité est en perpétuelle construction : «Ainsi, la quête de l’identité apparaît bien comme un processus toujours inachevé et toujours repris, marqué par des ruptures et des crises, jusqu’à ce que le mot fin vienne en fixer plus ou moins arbitrairement le terme»31. L’identité serait donc plus «celle d’un processus évolutif que d’une constance substantielle». Ainsi, «si l’on peut dire que l’individu reste le même, c’est 'dans la mesure où, recueillant perpétuellement son passé dans son présent et résumant ses propres changements, il demeure solidaire de sa tradition entière'»32.

Cette notion de temporalité peut être dans cette perspective considérée comme une des finalités à atteindre. En effet, «les groupes, comme les individus, expriment le double besoin d’une filiation dans le passé, de racines historiques, même mythiques, et d’une possibilité de se projeter, en tant que groupe, dans l’avenir ; l’un et l’autre pôle, étroitement liés, constituent une dimension temporelle qui est une composante importante des identités et des revendications identitaires»33. Alex Mucchielli témoigne de cette appropriation des représentations du passé dans un objectif identitaire, en soulignant que «le sentiment d’identité demeure tant que le sujet (individu ou groupe) parvient à donner aux changements et aux altérations le sens de la continuité»34. En ce sens, l’identité est en constante et étroite relation avec les représentations du passé, triées et classées au sein de la mémoire du groupe. Cette dernière devient alors elle-même une stratégie identitaire devant permettre au groupe la «prise de conscience d’éléments partagés au cours d’une histoire commune»35 et générant ainsi le sentiment d’identité.

Cette approche de l’identité par la mémoire, et plus précisément par les mémoires, a d’ailleurs été privilégiée dans nombre d’études. Nous n’en ferons pas ici une historiographie exhaustive, trop complexe et qui déborderait largement le cadre de cet article. En effet, la mémoire suscite un réel engouement chez les chercheurs, notamment depuis les années 1970, grâce entre autres au développement de la nouvelle histoire. Les travaux précurseurs de Maurice Halbwachs concernant la mémoire collective36 semblent alors «redécouverts» et stimulent une production foisonnante d’études sur les différentes manifestations de la mémoire et les usages du passé à des fins identitaires. Tous les champs des sciences humaines et sociales sont alors ré-explorés, qu’ils se définissent d’abord plus particulièrement par leur aspect conceptuel37, par leur situation géographique38, par leur dimension temporelle39 ou culturelle prédominante, celle-ci pouvant alors, par exemple, porter sur l’art40, le religieux41, le familial42, etc, plusieurs de ces dimensions se croisant bien souvent dans la plupart des études.43

Plusieurs notions sont donc à la base du concept d’identité : représentations, mémoires, contribuent à former ce qui a été nommé «identité», qu’elle soit dans la littérature scientifique, individuelle ou collective. Un processus cependant n’a pas encore été intégré à notre réflexion, processus pourtant à la base de notre questionnement qui est de comprendre, rappelons-le, en quoi les schémas d’images peuvent permettre d’enrichir la performance scénique d’un artiste (ou d’un groupe d’artistes) et impliquer ainsi, émotionnellement, chacun des membres du public dans la création artistique ? Ce processus, pourtant central, est la communication elle-même : comment les concepts de représentations, métaphores et de mémoires peuvent-ils s’intégrer dans ce processus de communication et nourrir par le fait même notre réflexion ?


DAN SPERBER ET LES MÉTAREPRÉSENTATIONS : LA MISE EN RÉSEAU DES MÉMOIRES

En sciences cognitives, les conclusions de Dan Sperber offrent des pistes de réflexion particulièrement riches. Depuis les dernières années, Sperber s’est en effet penché, entre autres, sur les représentations, sur les métareprésentations, ainsi que sur la façon dont elles sont partagées pour produire un acte de communication44 . Investissant et définissant dans le même temps le champ de la pragmatique45, Sperber et ses collègues, dont Deirdre Wilson, ont ainsi proposé un nouveau modèle fondant l’acte de communication, en opposition au modèle de code46 selon eux insatisfaisant. Leur théorie repose sur la notion d’inférence, définie comme un processus mental semblable à un raisonnement, mais spontané, automatique et largement inconscient.47 Ainsi, «une inférence est un processus qui part de prémisses et aboutit à une conclusion, qui en ce sens fonctionne comme un raisonnement, mais qui peut opérer de façon automatique et inconsciente»48. Le processus de compréhension inférentielle, qui permet à un auditeur de «déduire» le sens des paroles (ou des mouvements) du locuteur, intègre logiquement la notion de contexte, sans lequel il est impossible à celui qui reçoit de comprendre le message qui lui est envoyé. C’est le niveau de pertinence en fonction du contexte qui permet la compréhension du sens du message, et optimise voire assure la réussite de la communication entre locuteur et auditeur. Ces chercheurs proposent donc le modèle inférentiel de la communication, selon lequel «le communicateur produit un indice du sens voulu», indice qui peut être de l’ordre du langage, mais aussi des mouvements, improvisés ou non, conventionnels ou non49. Le destinataire, selon Sperber, est capable de recevoir le «vouloir-dire» d’un communicateur à partir de l’ensemble des indices qu’il lui fournit, grâce à sa capacité «méta-représentationnelle», c'est-à-dire sa capacité de se représenter mentalement les représentations de l’Autre.50 Ce processus misant sur les notions de métareprésentations, d’inférence, de contexte, serait donc à la base, selon Sperber et ses collègues, de la communication, qu’elle soit verbale ou non verbale.

Cette définition du modèle inférentiel de communication implique une notion élargie de contexte, défini comme pouvant comporter «des connaissances d’arrière-plan, des connaissances générales, des connaissances culturelles»51. Comment ces connaissances sont-elles sollicitées dans l’acte de communication ? En quoi peuvent-elles être reliées à une des notions observées ici, à savoir la mémoire ? Sperber, dans sa réflexion sur la communication, s’est également penché sur ce concept de mémoire, se posant plus spécifiquement la question du fonctionnement de la mémoire collective. Définie dans les sciences humaines et sociales comme «l’accumulation et l’exploitation d’un ensemble relativement stable de croyances, de savoir-faire et de valeurs partagées»52, cette mémoire collective peut donc correspondre à un ensemble de représentations auxquelles le groupe se réfère pour s’identifier (ou s’opposer). Cependant, Sperber remet en question cette acception du terme «mémoire collective», admise au sein des sciences humaines et sociales, dans la mesure où le groupe, selon lui, n’est pas un organisme : «il n’a ni cerveau, ni esprit et, sauf dans un sens vague ou métaphorique, il ne pense pas, il ne raisonne pas, il ne désire pas, il ne décide pas. Il ne se souvient pas non plus»53. Sperber propose donc une nouvelle explication de ce phénomène de mémoire collective, qui fait appel à une articulation entre cognition et culture humaines. Sperber rappelle d’abord que la mémoire possède deux aspects indissociables, celui de réserve d’informations et celui d’ensemble de processus alimentant et exploitant cette réserve, et insiste sur le fait qu’un individu, dans son acte de mémoire, ne peut faire appel qu’à une quantité limité d’informations, qu’il réactive en fonction du contexte dans lequel il évolue et en fonction des besoins du moment présent. Sperber propose alors la théorie selon laquelle chacun de nous constituerait une réserve d’informations, que d’autres peuvent activer en fonction d’un degré de pertinence. Ainsi, la communication humaine est «une façon d’enrichir, de gérer et d’exploiter […] une mémoire externe, réserve et processus, qui est collective en ceci qu’elle est distribuée entre plusieurs personnes et gérées à travers leurs interactions»54. Il poursuit en expliquant que :
Une population humaine est habitée par une population considérablement plus large de représentations mentales distribuées entre les individus. A chaque fois que quelqu’un communique, il produit une perturbation dans l’environnement destinée tout d’abord à attirer et à retenir l’attention d’un destinataire, puis à donner à ce destinataire les moyens de construire une représentation mentale semblable à celle qu’il voulait transmettre. La perturbation externe qui permet ainsi d’associer deux représentations internes, celle de l’émetteur et celle du destinataire, est elle-même une représentation, publique cette fois. Les représentations publiques (aussi bien les paroles, que les gestes, les mimiques, les images et les écrits) mettent les mémoires individuelles en réseau.55
Cette façon d’aborder l’acte de communication, telle qu’il est théorisé par Sperber, peut rejoindre celle de Tor Norretranders, selon lequel l’information ne peut avoir de sens sans une forme de connaissance permettant de la décoder. Cette forme de connaissance est directement relié au contexte au sein duquel communiquent les interlocuteurs, et qui leur permettent le partage et l’interprétation de l’information véhiculée. Ce processus, que l’auteur nomme «exformation», s’apparente donc à celui défini par Sperber, les deux chercheurs accordant alors une place tout à fait privilégiée au contexte, sans lequel il devient impossible de donner un sens aux messages transmis.

Les notions de Sperber rejoignent celles de Tor Norretranders en lien avec la théorie de l’information56. Ayant noté que cette théorie, dans sa forme classique, caractérise le «contenu en information» d’un message uniquement en terme du nombre de «bits d’information», et, ainsi, n’est pas capable de distinguer entre un texte produit de manière aléatoire et une pièce de Shakespeare d’une même longueur, Norrestranders note que des chercheurs ont proposé un nouvel élément théorique qu’il nomme la «connaissance» ou l’ «exformation» pour le distinguer de «l’information». Pour eux, la connaissance est une mesure de l’information qui est rejetée pour faire un message. Ainsi, Shakespeare s’est servi d’une très grande connaissance qui ne se trouve pas explicitement dans le texte finale, quoique suggérée par le texte, alors qu’un texte produit de manière aléatoire ne peut faire référence à d’autres informations de la même manière. La mesure de la «connaissance», définie de cette manière, est alors très différente entre les deux textes. Cette mesure de la «connaissance» est, aussi, plutôt une caractérisation d’un processus que de la représentation qui en résulte de ce processus. Ce processus de rejection et d’activation ressemble au processus inférentiel prôné par Sperber et ses collaborateurs.

Essentiellement, les deux approches présument que les représentations culturelles ou de groupes se servent pour activer des réseaux de représentations chez de nombreux et différents individus, de manière analogue aux représentations linguistiques qui activeront des parties du cerveau de l’individu lors de l’acte de communication. Dans de tels réseaux d’activation, la notion de connaissance n’est plus maintenue par un «contenu» mais plutôt par une «périphérie» - la connaissance est ce qui réside «ailleurs».


LA NOTION D’IDENTITÉ, DE MÉMOIRE ET DES SCHÉMAS D’IMAGE DANS LA PERFORMANCE SUR SCÈNE

Partons de ce postulat selon lequel chaque être humain possède en lui des fragments de mémoire qu’il rend disponibles aux autres pour former une mémoire collective partageable et partagée, et considérons que l’acte de communication, qu’il soit verbal ou non verbal, fait intervenir des représentations interprétées par l’auditeur en fonction du degré de pertinence propre au contexte, qu’il soit présent ou passé. N’est-il pas possible de penser que nous pourrions adapter ce processus aux schémas d’images tels qu’ils sont définis plus haut et permettre ainsi de comprendre comment ils peuvent, eux aussi, être non seulement partagés mais aussi interprétés ? En effet, nous pensons qu’il est possible d’envisager que les schémas d’images soient des représentations imagées d’idées ou d’émotions, qui peuvent être mises en scène grâce aux mouvements corporels et aux éléments mobiles dans la musique, le jeu de lumières, et ainsi de suite. Ces mouvements, en étant transmis à l’Autre, pourraient réactiver chez lui des fragments de mémoires idéelles ou émotives, lui permettant, grâce au contexte dans lequel il a évolué et à celui dans lequel il évolue dans le moment présent, d’interpréter le message corporel émotif que l’artiste souhaite lui transmettre. Un artiste, ou un groupe d’artistes, en misant sur des schémas d’images adéquats, pourraient donc s’assurer d’activer chez les membres de leur public le maximum de fragments mémoriels, leur permettant ainsi de s’investir émotionnellement dans la création artistique. Le corps, en partant à la recherche des mémoires, permettrait alors un meilleur partage des émotions.

Ce faisant, les métaphores mises en œuvre dans la présentation artistique vont pouvoir interagir avec les métaphores qui forment une partie de l’identité de chaque individu présent dans l’auditoire. Dans la mesure où ces métaphores peuvent être associées à des valeurs et des sentiments, l’identité de chaque membre de l’auditoire sera confronté ou trouvera une complicité, enrichissant ainsi l’expérience identitaire de l’auditoire. Cela pourrait expliquer en partie, peut-être, la fascination perpétuelle des auditoires vis-à-vis des performances artistiques fortes, qui serviraient alors à alimenter le processus de (re)construction identitaire.


EN GUISE DE CONCLUSION : SCHÉMAS D’IMAGES, VALEURS, REPRÉSENTATIONS, MÉMOIRES : UN CADRE D’ANALYSE PROMETTEUR

Ces pistes de réflexion font alors intervenir les concepts de valeurs et de représentations, qui pourraient être très utiles pour une lecture et une compréhension plus précise des schémas d’images et pour une plus grande optimisation de leur utilisation dans les arts de la scène. En effet, il serait très pertinent d’identifier les valeurs et contre-valeurs, prônées et/ou dénigrées,57 associées à chacun des schémas d’images connus. La construction d’un thesaurus axiologique58 permettrait alors aux artistes de la scène de prendre des décisions plus éclairées en ce qui concerne leurs chorégraphies ou mises en scène, selon les réactions qu’ils souhaitent obtenir de la part de leurs publics. Grâce à ce thesaurus des valeurs inhérentes aux schémas d’images, il pourrait être possible d’évaluer des niveaux de perméabilité émotionnelle d’un public spécifique, en tenant compte de ses spécificités culturelles et identitaires. Plusieurs moyens techniques et scientifiques permettraient de capter ses réactions : observations de ses mouvements par caméra, observation de ses fonctions physiologiques (pouls, sudation, tension…), mais également récolte, pendant ou après la prestation scénique, de ses perceptions et de la mémoire de ses émotions. Les pistes de recherches appliquées sont donc nombreuses, variées et convergentes, qui permettraient l’élaboration d’un outil destiné aux artistes de la scène afin d’optimiser leurs performances scéniques.


NOTES

1 Dans son livre Information Arts : Intersections of Art, Science, and Technology, Cambridge, Mass. : MIT Press, 2002, 945 p., Stephen Wilson note que les artistes qui osent prendre en charge des approches scientifiques dans leurs œuvres sont fortement critiqués et marginalisés par la communauté d’artistes.

2 Geoffrey Edwards, «La géomatique et les arts de la scène. Bilan des séances d’observation chez les Ex Machina pour les répétitions de La Trilogie des Dragons du lundi le 10 février 2003 au lundi le 17 février 2003», p.9.

3 master sharing international, 2006, Ariadne Emerging, vidéoclip.

4 Edwards, G., et M. L. Bourbeau, 2005, « Image schemata – a guiding principle for multimodal expression in performance design », International Journal of Performance Art and Digital Media, Volume 1(3), 189-206, available online at http://www.intellectbooks.co.uk.

5 Mentionnons qu’il n’est pas ici question de redéfinir le concept de schémas d’images dans tous ses détails, mais bien plutôt d’en comprendre le sens global afin de pouvoir effectuer les liens adéquats avec les concepts de représentations, mémoires et identité. Pour une compréhension plus détaillée des schémas d’images, le lecteur pourra notamment se reporter aux travaux de Johnson et Lakoff.

6 Voir entre autres George Lakoff, Women, Fire and Dangerous Things : what Categories Reveal about the Mind, Chicago, University of Chicago Press, 1987, 614 p.; George Lakoff et Mark Johnson, Les métaphores dans la vie quotidienne, Paris, Éditions de Minuit, 1985, 254 p.

7 Mark Johnson, The Body in the Mind, Chicago, University of Chicago Press, 1987, p.29.

8 Exemple cité dans Lakoff et Johnson, Les métaphores dans la vie quotidienne.

9 Les catégories regroupant ces schémas d’images sont les suivantes : relations spatiales, relations temporelles, relations «de chemin», force, quantité, action. Les schémas d’images qui s’y classent peuvent par exemple être «contenant», «surface», «centre-périphérie», «blocage», «expansion», «équilibre», … Pour plus de précisions, voir notamment la liste établie par Geoffrey Edwards et Marie Louise Bourbeau. Dans «Image schemata – a guiding principle for multi-modal expression in performance design», loc.cit, p.192-193.

10 Ils se retrouvent ainsi dans toutes les langues, ce qui laisse supposer qu’il serait particulièrement pertinent de les mettre à profit dans de nombreuses occasions pour faciliter l’acte de communication, notamment dans les arts de la scène, pour optimiser les performances scéniques.

11 N’est-ce pas là un bel exemple de schémas d’images ?

12 L’ensemble de la réflexion qui suit, concernant les concepts d’identité, de représentations sociales et de valeurs, ainsi que de mémoire, est issu de la thèse d’Isabelle Dornic. Isabelle Dornic, «Hier ne meurt jamais. Vision et désillusions d’une quête identitaire féminine au Québec. La Bonne Parole, organe de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, 1913-1958», Thèse de doctorat, Université Laval, 2004, 543 p. Ce sont par ailleurs les mêmes concepts qu’utilise Isabelle Dornic dans ses recherches postdoctorales en management, effectuées au CIRRELT (Université Laval, Québec) et dont l’objectif principal est de comprendre l’image de l’innovation et son influence sur le processus d’innovation.

13 Voir ainsi Serge Moscovici, La psychanalyse, son image, son public, Paris, Presses universitaires de France, 1976 (1961), 650 p.

14 Alain Corbin affirme même qu’ «il serait, à l’évidence, absurde de concevoir une histoire des sensibilités, de la psychologie collective ou, si l’on préfère, des mentalités, qui ne serait pas d’abord celle des représentations». Alain Corbin, «Le vertige des foisonnements. Esquisse panoramique d’une histoire sans nom», Revue d’histoire moderne et contemporaine, Volume 39, No 1 (janvier-mars 1992), p.117.

15 Alain Corbin, «Le vertige des foisonnements. Esquisse panoramique d’une histoire sans nom», Revue d’histoire moderne et contemporaine, Volume 39, No 1 (janvier-mars 1992), p.117. Voir aussi Roger Chartier, «Le monde comme représentation», Annales ESC, No 6 (novembre-décembre 1989), p.1505-1520 ; Alain Bourreau, «Propositions pour une histoire restreinte des mentalités», Annales ESC, No 6 (novembre-décembre 1989), p.1491-1504 ; Jacques Revel, «Mentalité», dans Dictionnaire des Sciences historiques, sous la dir. de André Burguière, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p.450-456.

16 Guy Durandin, dir., «Méthode d’étude des valeurs dans des messages de propagande», Année psychologique, No 79 (1979), p.181, cité dans Jérôme Coutard, Des valeurs en guerre. Presse, propagande et culture de guerre au Québec, 1914-1918, Thèse de doctorat, Université Laval, Québec, 1999, p.27.

17 Edmond-Marc Lipiansky, L’identité française. Représentations, mythes, idéologies, La Garenne-Colombes, Éditions de l’Espace européen, 1991, p.9.

18 Edmond-Marc Lipiansky, Identité et communication. L’expérience groupale, Paris, Presses universitaires de France, 1992, p.31.

19 Edmond-Marc Lipiansky, «Identité, communication et rencontres inter-culturelles», Cahiers de sociologie économique et culturelle (ethnopsychologie), no 5 (juin 1986), p.21.

20 Lipiansky, L’identité française, p.3.

21 Lipiansky, Identité et communication, p.31-32.

22 Lipiansky, «Identité, communication et rencontres inter-culturelles», loc.cit, p.21.

23 J.P. Codol et P. Tap, Revue internationale de psychologie sociale, no 2 (1988), p.169, cité dans Lipiansky, Identité et communication, p.45.

24 Edmond Marc Lipiansky, Isabelle Taboada-Leonetti et Ana Vasques, «Introduction à la problématique de l’identité», dans Stratégies identitaires, sous la direction de Carmel Camilleri et al, Paris, Presses universitaires de France, 1990, p.24.

25 Nous reprenons ici un extrait de la définition de l’identité élaborée par les chercheurs Jean-Pierre Codol et Pierre Tap, que nous avons prise comme support à notre réflexion. Codol et Tap, «Avant-propos», loc.cit, p.168-169.

26 Comme en témoigne Joël Candau. Joël Candau, Mémoire et identité, Paris, Presses universitaires de France, 1998, p.2.

27 Lipiansky, Identité et communication, p.90.

28 Les deux autres principes sont celui d’unité et l’intégration, qui se manifeste notamment par le besoin d’un même niveau d’implication de tous les membres dans l’acte de communication. Ibid., p.93 et suivantes.

29 Ainsi, les participants de ses séances de communication groupale témoignent de leur volonté que leur groupe «avance», «bouge», «progresse», ce qui est ressenti très positivement. Ibid., p.97.

30 Ibid.

31 Ibid., p.37.

32 Définition issue, comme le précise Lipiansky, du dictionnaire philosophique de Lalande. Ibid., p.42. Pierre Tap souligne également cette caractéristique dans l’élaboration de l’identité personnelle. Il indique alors le paradoxe que représente le changement de soi dans la continuité, que doit gérer toute personne. «Marquer sa différence. Entretien avec Pierre Tap», Sciences humaines, «Identité, Identités. L’individu, le groupe, la société», Hors-série, no 15 (dévembre 1996-janvier 1997), p.9-10.

33 Isabelle Taboada-Léonetti, «Stratégies identitaires et minorités : le point de vue du sociologue», dans Camilleri, loc.cit, p.56.

34 Mucchiell, L’identité, p.53.

35 Ibid.

36 Et notamment deux de ses ouvrages, majeurs. Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1994 (1925), 370 p; Idem, La mémoire collective, Paris, Presses universitaires de France, 1950, 204 p.

37 Alan Baddeley, La mémoire humaine. Théorie et pratique, Grenoble, Presses de l’Université de Grenoble, 1993, 548 p; Gaston Bachelard, La dialectique de la durée, Parie, Presses universitaires de France, 1989 (1950), 152 p; Roger Bastide, «Mémoire collective et sociologie du bricolage», Bastidiana, no 7-8, p.209-242; Joël Candau, Anthropologie de la mémoire, Paris, Presses universitaires de France, 1996, 128 p; Idem, Mémoire et identité, 225 p; César Flores, La mémoire, Paris, Presses universitaires de France, 1972, 128 p; Nicole Lapierre, (dir), «La mémoire et l’oubli», Communications, no 49 (1989); Jacques Le Goff, Histoire et mémoire, Paris, Gallimard, 1988, 410 p. Gérard Namer, Mémoire et société, Paris, Méridiens Klincksieck, 1987, 242 p; Moses I. Finley, Mythe, mémoire, histoire. Les usages du passé, Paris, Flammarion, 1981, 270 p; Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000, 675 p; Dan Sperber, La contagion des idées, Paris, Odile Jacob, 1996, 246 p; Marc Augé, Les formes de l’oubli, Paris, Payot et Rivages, 1998, 121 p; Jean-Pierre Rioux, «La mémoire collective», dans Rioux et Sirinelli, Pour une histoire culturelle, p.325-352.

38 Le national, mais aussi le régional et même le local sont alors ré-examinés sous l’angle de la mémoire et de l’identité. Voir ainsi Lucien Aschieri, Le passé recomposé. Mémoire d’une communauté provençale, Marseille, Tacussel, 1985, 260 p; Benedict Anderson, L’imaginaire national, Paris, La Découverte, 1996, 216 p; De l’Europe. Identités et identité. Mémoires et mémoire, Actes du colloque Euro-Histoire de Montpellier (1992), Toulouse, Press. Univ. Sciences Sociales, 1996; et bien sûr l’incontournable collection, en sept volumes, dirigée par Pierre Nora, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1984-1992.

39 De nombreuses périodes sont alors revisitées elles aussi grâce à ce concept. Voir ainsi Gadi Algazi, «Violence, mémoire et pouvoir seigneurial à la fin du Moyen Âge», Actes de la recherche en sciences sociales, no 105 (décembre 1994), p.26-28; Stéphane Audoin-Rouzeau, «Oublis et non-dits de l’histoire de la Grande Guerre», Revue du Nord, t. LXXVIII (avril-juin 1996), p.355-365. Gérard Belloin, Entendez-vous dans nos mémoires… ? Les Français et leur Révolution, Paris, La Découverte, 1988, 270 p; Benjamin Stora, La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte / Poche, 1998 (1991), 378 p.

40 Voir notamment Jean-Philippe Antoine, «Mémoire, lieux et invention spatiale dans la peinture italienne des XIIIe et XIVe siècles», Annales ESC, no 6 (novembre-décembre 1993), p.1447-1469.

41 François Boespflug, Françoise Dunand et Jean-Paul Willaime, Pour une mémoire des religions, Paris, La Découverte, 1996, 204 p; Grace Davie et Danielle Hervieu-Léger, Identités religieuses en Europe, Paris, La Découverte, 1996, 336 p. Danielle Hervieu-Léger, La religion pour mémoire, Paris, Cerf, 1993, 273 p.

42 L. Assier-Andrieu, «Maison de mémoire. Structure symbolique du temps familial en Languedoc : Cucurnis», Terrain, no 9 (1987), p.10-33; A. Burguière, «La mémoire familiale du bourgeois gentilhomme : généalogies domestiques en France aux XVIIe et XVIIIe siècles», Annales ESC, no 4 (1991), p.771-788; Anne Muxel, Individu et mémoire familiale, Paris, Nathan, 1996, 230 p. Josette Coenen-Huther, La mémoire familiale : un travail de reconstruction du passé, Paris, L’Harmattan, 1994, 268 p.

43 Signalons pour terminer que la liste des ouvrages exposés ici est loin d’être exhaustive. Parcourir les bibliographies de ces ouvrages permet ainsi de prendre conscience de l’ampleur de la richesse, tant en nombre qu’en qualité, des études sur la mémoire et le lien qu’elle entretient avec l’identité.

44 Voir ainsi, entre autres, outre le célèbre La contagion des idées, les articles suivants : Dan Sperber, «La communication et le sens», dans Qu’est-ce que l’humain ? Université de tous les savoirs, volume 2, sous la direction d’Yves Michaud, Paris, Odile Jacob, 2000, p.119-128 (en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ) ; Dan Sperber, «L’individuel sous influence du collectif», La Recherche, Volume 344 (juillet-août 2001), p.32-35 (en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/memoire.htm ) ; Dan Sperber, La contagion des idées, Paris, Odile Jacob, 1996, 243 p. Pour en savoir plus sur Dan Sperber, voir son site internet à l’adresse suivante : dan sperber.com.


45 La pragmatique, soit la compréhension des énoncés en contexte, est l’une des branches de la linguistique. Pour plus de précisions, voir entre autres Deirdre Wilson et Dan Sperber, La Pertinence, Communication et Cognition, Paris, Éditions de Minuit, 1989, 396 p.; Gloria Origgi et Dan Sperber, « Qu’est-ce que la pragmatique peut apporter à l’étude de l’évolution du langage ? », dans L’origine de l’homme du langage et des langues, sous la dir. De Jean-Marie Hombert, (à paraître), en ligne à l’adresse suivante : http://dan.sperber.com/Pragmatique-et-evolution.pdf.


46 Rappelons que le modèle de code repose sur l’idée que «ce qui permet de partager [des] idées, […] c’est la possession d’un code commun». Ce code, tel les langues, permettrait à un locuteur d’encoder «au moyen d’une expression le sens qu’il veut communiquer», alors que «l’auditeur décode l’expression et identifie ainsi le sens voulu». Selon Sperber, ce modèle ne peut être valide dans la mesure où «les phrases d’une langue humaine, […] riches de sens linguistique […], ne donnent jamais qu’une indication toujours ambigüe et toujours incomplète du sens voulu par le locuteur». Ce modèle ne peut donc suffire pour expliquer la complexité de l’acte de communication. Pour plus de précisions, voir Dan Sperber, «La communication et le sens», dans Qu’est-ce que l’humain ? Université de tous les savoirs, Volume 2, sous la dir. d’Yves Michaud, Paris, Odile Jacob, p.2, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


47 Dan Sperber, «La communication et le sens», dans Qu’est-ce que l’humain ? Université de tous les savoirs, Volume 2, sous la dir. d’Yves Michaud, Paris, Odile Jacob, p.3, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


48 Dan Sperber, loc.cit, p.3, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


49 Dan Sperber, loc.cit, p.5, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


50 Dan Sperber, loc.cit, p.6, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


51 Dan Sperber, loc.cit, p.4, en ligne à l’adresse suivante : dan.sperber.com/sens.htm ).


52 Dan Sperber, «L’individuel sous influence du collectif», La Recherche, Volume 344 (juillet-août 2001), p.1 (en ligne à l’adresse : dan.sperber.com/mémoire.htm ).


53 Dan Sperber, loc.cit, p.1 (en ligne à l’adresse : dan.sperber.com/mémoire.htm ).


54 Dan Sperber, loc.cit, p.2-3 (en ligne à l’adresse : dan.sperber.com/mémoire.htm ).


55 Dan Sperber, «L’individuel sous influence du collectif», La Recherche, Volume344 (juillet-août 2001), p31 (en ligne à l’adresse : dan.sperber.com/mémoire.htm) ). Il ajoute que «les représentations qui se transmettent de génération en génération ou qui se diffusent dans une population entière constituent cette partie relativement stable de la mémoire distribuée que nous appelons la culture».


56 Tor Norretranders, The User Illusion : Cutting Consciousness Down to Size, Penguin Press Science Series, 1999.


57 En effet, les valeurs, par définition antinomiques, fonctionnent par paires opposées. L’acte de communication implique alors l’activation de valeurs (v) et contre-valeurs (cv) qui sont, selon le contexte et les objectifs visés par le medium, prônées ou dénigrées.


58 L’axiologie s’applique à théoriser les valeurs.

Wednesday, December 12, 2007

La perception et la représentation spatiale - les réalisations du premier mandat de la Chaire

A l’heure actuelle, le deuxième mandat de sept ans de la Chaire de recherche du Canada en géomatique cognitive concentre ses efforts de recherche sur l’analyse des liens entre l’identité, le corps et l’espace. Ce travail fait suite au premier mandat, qui avait été centré sur la compréhension de nos représentations mentales de l’espace telles que dérivées de la perception et de la création des images mentales. Le premier mandat avait, en outre, misé le développement d’outils et de logiciels permettant la mise en pratique de ces connaissances. Les champs d’application de ces recherches rejoignent les domaines de la réadaptation, des arts de la scène, de la navigation, de l’aménagement paysagiste et du design des bases de données.

Les perceptions emboîtées du monde

Une panoplie de chercheurs ont étudié nos perceptions du monde, ainsi que l’organisation mentale de nos perceptions en fonction d’échelles diverses. Il existe déjà plusieurs schémas pouvant décrire les perceptions d’échelle. Celui qui fut présenté en 1993 par Dan Montello (Scale and multiple psychologies of space) se distingue tout particulièrement. L’intérêt que suscite ce travail relève, d’une part, de sa synthèse des travaux de plusieurs chercheurs, et d’autre part de son examen critique d’une variété d’approches. Dans le cadre de cette étude, on retrouve l’existence d’environ quatre types d’espaces à échelles distinctes:

a) l’espace figural (ou l'espace de portrait)
b) l’espace de vista
c) l’espace environnemental
d) l’espace géographique

C’est l’espace des desseins, des illustrations, des cartes géographiques et des représentations du monde qui constitue l’espace figural de Montello. L’espace de vista est définie comme étant une région, une étendue, visible a partir d’un emplacement unique. L’espace environnemental dénote une région accessible par déplacement ou par navigation. Quant à l’espace géographique, il dénote le type d’espace qui présente une étendue trop vaste pour être explorée.

Un cinquième espace est dénommé :
e)l’espace cosmique

L’espace cosmique recouvre tous les espaces manifestement inaccessibles à partir de la planète Terre.

Il existe d’autres catégories d’espaces, certaines d’entre elles très utiles. Ainsi, certains chercheurs font l’étude des espaces dits « de dessus de table », c’est-à-dire des surfaces offrant la possibilité de prendre et de manipuler les objets qui s’y trouvent (on pense, par exemple, à Andrew Frank). D’après le schéma de Montello, l’espace « de dessus de table » définie l’étape intermédiaire entre les espaces figurals et les espaces de vista. Une deuxième perspective nous permet d’établir une distinction entre l’espace « d’intérieur du corps », l’espace « du corps », et l’espace « à proximité du corps » (Three Spaces of Spatial Cognition by B. Tversky et al.). Notons que ces espaces sont plus retreintes que les espaces de vista. Tversky insiste aussi sur l’importance de la présence de barrières à
l’intérieur d’un espace donné.


Figure 1 : L’espace de déplacement localisé appliqué à un foyer situé à Sillery, dans la ville de Québec.

Lors des recherches effectuées avec Dr. Isabelle Reginster (candidate au post-doctorat et collaboratrice), nous avons découvert que pour aboutir à la mise en pratique de ces théories, il serait nécessaire de subdiviser l’espace
environnemental de Montello en deux espaces d’échelle distincte, que nous avons dénommés espace de déplacement localisé (EDL, voir figure 1), et espace de déplacement élargi (EDE, voir figure 2). L’espace de déplacement localisé représente ici la section de l’environnement accessible à la marche, alors que l’espace de déplacement élargi dénote la région accessible en automobile. Afin d’identifier les dimensions de ces espaces, nous avons établis une limite de temps, pour ensuite utiliser les trois types d’espaces (de vista, de déplacement localisé et de déplacement élargi) en tant qu’unités spatiales contenant des agrégats de données, pour nous permettre d’ inférer les perceptions propres des membres de divers foyers. Ces perceptions portaient sur la quantité de services municipaux et d’écoles auxquels on avait accès, ainsi que sur la quantité ou l’étendue d’espaces verts que l’on pouvait trouver dans l’enceinte de l’environnement local.

Nous avons d’autres part démontré comment déterminer et classifier les espaces vista, EDL et EDE à partir d’images satellitaires, pour ensuite utiliser les agrégats de statistiques pour explorer les liens entre : 1)l’échelle de grandeur, 2) la perception et 3) la valeur marchande des maisons (Pour plus de détails, voir l’ouvrage intitulé »Reginster and Edwards, 2001). Entre autres, nous avons cherché et enregistré l’emplacement des barrières dans ces espaces, ayant déterminé s’il
s’agissait de barrières perceptuelles, ou encore de barrières relatives à la navigation.

Au début de ces recherches, nos collaborateurs ont retracé les déplacements à partir de renseignements obtenus au cours de conversations téléphoniques avec les membres des foyers sélectionnés. Ces « interviews » prenaient place dans le cadre d’un sondage appelé Origin-Destination qui avait été produit par des collègues du département d’aménagement de l’université Laval. De nos jours, ce genre de sondage pourrait être effectué de façon beaucoup plus économique en faisant l’usage d’une unité portable GPS munie d’un enregistreur de données intégré (« data logger »).


Figure 2 : L’espace de déplacement élargi ou EDE – Etude d’un foyer situé a Sillery, ville de Québec.

Notons que l’espace de déplacement élargi est constitué de couloirs entourant chacune des routes utilisées, et que la fréquence d’emprunts de cette route accroît l’intensité de cette partie de l’espace de déplacement. Ainsi, nous avons été capables d’intégrer les concepts théoriques des espaces emboîtés à l’étude des perceptions d’échelle de l’environnement local à partir de l’opinion, ou de la perspective, des membres d’un foyer donné.

Les chambres et les portails

Une deuxième étude, commencée avec le Dr.Gérald Ligozat, et poursuivie plus tard avec sa fille Anne-Laure Ligozat, a porté sur l’élaboration d’une représentation formelle des espaces perçus, plus précisément des espaces extérieurs tels qu’on les retrouve dans la nature. Pour ce projet, nous étions particulièrement intéressés au développement d’une représentation mathématique de l’espace perçu, ainsi qu’à la programmation de cette représentation à l’ordinateur. Certains faits ont attirés notre attention, et surtout l’idée qu’en milieu extérieur, on puisse se déplacer et parcourir une certaine distance, pour ensuite affirmer ne pas avoir changé d’endroit! Par exemple, dans un grand espace ouvert, on pourra marcher longtemps sans avoir la perception de changer d’endroit. Quels pourraient être les facteurs déterminants, pour que nous puissions conclure que notre emplacement a changé?

Nous avons déduit que deux facteurs entraient en ligne de compte: soit que le voisinage avait changé, soit que les points de repère à l'horizon n'apparaissaient plus dans le même ordre (cet ordre des points de repères est dénommé un panorama). De cette façon, nous avons entrepris la caractérisation d'un espace en termes de son avoisinage et de ses panoramas. Ce travail nous fit entrevoir l'idée des zones de perception stables et de zones de transition, lesquelles, dans un certain sens, s'associent aux métaphores de chambres et de « portails ». Nous avons ensuite découvert que tout espace extérieur pouvait être re-configuré en tant qu'ensemble de « chambres » et de « portails », les rendant ainsi analogues aux espaces intérieurs. A partir d'une telle perspective,les barrières visuelles deviennent des « murs », si l'on poursuit la métaphore. L'ensemble des chambres et des portails nous donne, en quelque sorte, une deuxième possibilité dans la représentation de l'ensemble des voisinages et des panoramas. On peut même, à la limite, inférer l'un à partir de l'autre, et vice versa. Cette recherche a été présentée dans deux publications (Ligozat and Edwards, 1999; Edwards and Ligozat, 2004).


Figure 3: Création d'un paysage fictif à partir du prototype de logiciel PERSEUS.

Un prototype de logiciel appelé PERSEUS a été développé afin de mettre en valeur ce modèle. Le prototype découpe d'abord l'espace en termes d'aires d'inter-visibilité, plus connus sous le nom de « viewsheds », puis subdivise ces aires de surface en « panoramas ». Ces derniers définissent les régions dans lesquelles l'ordre des points de repères à l'horizon demeure stable. L'apparence des cartes géographiques générées dépend donc de la nature des objets ayant été choisis par l'utilisateur et pouvant selon lui, servir de points de repères. Nous avons réussi à produire des cartes démontrant les zones de perceptions stables pour l'étude des paysages fictifs, d'une part, mais aussi pour une étude portant sur les Plaines d'Abraham, une vaste étendue de verdure située au coeur de la ville de Québec.


Figure 4: La carte géographique des zones perceptuelles stables pour chacun des trois points de repères situés à l'intérieur du paysage fictif utilisé par le prototype PERSEUS.

L'interprétation des espaces « à proximité du corps » en fonction d'un handicap

Les travaux de Reginster et Edwards, ajoutés à ceux d'Edwards, Ligozat et Ligozat, constituent des représentations concrètes et originales de l'espace (i.e. des cartes). Ce nouveau genre de représentation fait l'usage de notre compréhension des représentations de l'espace environnant, telles que décrites en psychologie cognitive moderne. Cependant, elles peuvent tout aussi bien servir au traitement des espaces de vista et des régions à surface plus vaste.

Lors d'une recherche effectuée dans le but d'aider les usagers handicapés à se déplacer dans un paysage donné, un autre type de représentation a été développé, cette fois en forme de carte en trois dimensions, sur lesquelles il est possible de représenter les espaces dit « à proximité du corps ». L'équipe de cette recherche était composée du candidat au post-doctorat Pierre-Emmanuel Michon, de David Duguay, professionnel de recherche et du Dr Edwards.


Figure 5: Une section du centre de recherche en réadaptation à Québec, tel que mis en image par le logiciel du prototype CADMUS.

Dans les cadres de cette étude nous nous sommes inspirés du concept des « affordances », tel qu'élaboré en 1950 par James J. Gibson. Ce chercheur avait à l'époque émis l'idée que les objets comportent une capacité intrinsèque de « permettre », ou de rendre possibles, certains types d'usage fonctionnels, à l'exclusion d'autres sortes d'usage – on dit de ces objets q'ils « affordent » tels ou tels usages. Ainsi une chaise peut permettre qu'une personne puisse s'y assoir, mais non qu'elle puisse la manger (à moins qu'il s'agisse d 'une chaise en chocolat!). Nous avons donc implanté ce concept des affordances à une base de données à trois dimensions (voir Edwards, 2006, pour une description de ce procédé). Ainsi les portes contenues dans notre base de données pourraient très bien « afforder » leur ouverture grâce à une « poignée de porte », ou encore à un « bouton pressoir », telles qu'on les retrouvent dans quelques hopitaux.

De plus, les affordances de ces types d'objets ont été assorties aux capacités physiques spécifiques de l'usager. Par exemple, une « poignée de porte » nécessite, en plus de la capacité de tourner un objet, un certain niveau de force physique, alors que le bouton pressoir n'exige qu'un niveau minimal, ou beaucoup moins élevé. En superposant les affordances aux profils des usagers, nous avons produit des cartes géographiques décrivant les aires de niveaux d'accessibilité variés, en fonction du profil physique d'un usager. Dans une seconde version du prototype appelé CADMUS, le profil des compétences intellectuelles est ajouté à ceux des capacités physiques.


Figure 6: Autre portrait de la région présentée à la figure 5, celui-ci agrémenté du code de couleurs mettant en évidence les niveaux d'accessibilité pour une classe donnée d'usager handicappé. En rouge l'accès est difficile, en vert l'accès est aisé.


Les schémas d'image et le design de spectacle (« performance »)

L'étude des affordances et des profils d'usagers nous a permis d'aboutir à la création d'un modèle original de carte 3D. Notons qu'elle serait aussi utile à l'évaluation de l'efficacité des designs de l'architecture et des environnements destinés aux usagers handicappés présentant une variété de profils. Dans la même veine, la représentation des espaces extérieurs selon le modèle « chambres-et-portails » pourrait non seulemant guider l'étude d'un espace extérieur donné; mais aussi servir d'outil d'appui dans la définition des caractéristiques d'un nouveau design de cet espace.

L'intérêt que nous portions pour le design des espaces s'est ensuite dirigé vers un autre domaine, celui du design de performance (i.e.de la mise en scène). Dans ces domaines, notre entendement de l'espace tire du lien entre cet espace et son impact émotionel. Le schéma d'image devient ici l'outil de choix pour capter et définir la relation espace-émotion.

Les schémas d'image ont été décélés au début des années quatre-vingt, grâce aux travaux du philosophe Mark Johnson (voir son ouvrage intitulé The Body in the Mind pour un exposé compréhensible du concept). L'étude et les applications des schémas d'image furent par la suite approfondies, sous la direction de Johnson, avec la collaboration du linguiste George Lakoff (voir le monographe intitulé Women, Fire, and dangerous things: What Categories Reveal about the Mind, pour cette étude plus récente). Les schemas sont constitués d'images universelles, auxquelles on fait référence dans presque toutes les langues, et qui sont souvent utilisées pour parler de concepts abstraits. Parmis les exemples les plus répandus de schémas d'image, on pense à des concepts tels que:

le Contenant, le Chemin, le Cycle, le Lien, l'Habilitateur, la Force, le Blocage, le Schisme, et la Collection.

Des études plus récentes ont démontrés que les schémas d'image apparaissent dans la plupart des genres d'expression artistique, tels que les arts visuels, la musique, le mouvement expressif et la danse, la sculpture et le cinéma - ils constituent comme tels des outils efficaces de synchronisation et d'harmonisation des designs destinés à faire appel à l'éventail de nos sens.

Lakoff et Johnson ont par ailleurs mis au point la théorie selon laquelle les schémas d'image se forment dès l'époque de la tendre enfance, par un processus de cohésion des actes incarnés aux concepts des mots. Dans le cadre de cette théorie, nous voyons que les schémas d'image sont reliés à des réactions de nature émotive, mais que l'interprétation de cette association est portée à varier d'un individu à l'autre. Néanmoins, il se trouve que les artistes font l'usage, souvent d'une manière inconsciente et intuitive.

Dans un étude effectuée en 2005, en collaboration avec la soliste mezzo-soprano Marie-Louise Bourbeau, les schemas d'image ont servi d'outils de design en vue de la présentation (et la mise en scène) du fragment de l'opéra de Monteverdi: « Ariana ». Nous avons démontré que les schémas d'image, utilisés de manière consciente et explicite, s'avèrent un outil d'une haute efficacité pour les domaines de design de spectacles ou de performances, surtout en ce qui a trait à la qualité de l'expérience des membres de l'auditoire. D'une certaine façon, les schemas d'image offrent la possibilité innovatrice de créer le design d'un sentiment ressenti, et d'une expérience directement vécue chez le spectateur, en plus du design de leur précurseurs, c'est-à-dire des évènements ou des objets qui ne peuvent contribuer qu'au niveau visuel. On trouvera la description détaillée de ce projet dans le document intitulé: Edwards and Bourbeau, 2005. Les résultats de ce design sont
affichés sur youTube.


« Ariadne Emerging » Segment de vidéo



Le design cognitif des technologies d'assistance

Suite à nos travaux de recherche portant sur le design d'outils de cartographie de l'espace, nous nous sommes intéressés au développement d'instruments ayant pour fonction de faciliter les déplacements, les mouvements ou la navigation à travers l'espace. Dans cette veine, la première étude digne de mention avait été instiguée par M. Reda Yaagoubi, étudiant et candidat au post-doctorat. L'idée consiste à trouver de nouvelles façons d'aider la personne aveugle dans ses déplacements, en se servant de nos connaissances du cerveau humain en matière de représentation mentale de l'espace.

Dans ce contexte, le récepteur GPS est évidemment l'instrument de choix parmis les technologies de la géomatique moderne. Cependant, tous les instruments GPS couramment disponibles font appel à la capacité de visualiser une carte pour assurer l'apport de ce qu'on pourrait appeler une conscience situationnelle. Malgré les directives sonores provenant d'une voix programmée à l'ordinateur, ces instruments dépendent de la disponibilité visuelle d'une carte pour informer la personne de son emplacement et de l'endroit exacte des objets et points de repère parsemmés dans l'environnement immédiat. En l'absence de points de repère, les directives de navigation s'avèrent inutiles. Dans le cas de l'aveugle, la situation devient particulièrement problématique - car ils vivent la perte de conscience situationnelle à plusieurs reprises tout au long de la journée. Pour une telle personne, toute directive donnée sans contexte d'une conscience situationnelle devient plus qu'inutile.

Ainsi, nous utilisons nos connaissances des procédés de stockage et de sauvegarde afin de maintenir des représentations mentales de l'environnement avoisinant, principalement dans le cas des personnes affligées de cécité. L'outil en cours de développement est fondé sur les mécanismes naturels du comportement humain. Il aura pour mission d'aider les individus à mettre à jour leur propre représentation mentale situationelle, et ainsi rendre compréhensibles les directives de navigation d'un GPS. Ce processus de design n'est pas sans défi, car il exige la connaissance tant des processus cognitifs que des représentations impliquées et des moyens de stockage et d'acces aux données. On trouvera la description de ces travaux dans un article de Yaagoubi et Edwards (2007).

Nous avons d'autre part entrepris quelques expériences scientifiques du comportement, afin de vérifier, chez le sujet privé du sens de la vue, la capacité de comprendre et de manipuler les représentations mentales de l'espace. La description détaillée de cette étude se trouve dans la publication suivante : Eardley, A., G. Edwards, F. Maloin, P.-E. Michon and J. Kennedy (2007). Nous avons découvert qu'un certain groupe de sujets souffrant de cécité (on regroupe ici les personnes ayant perdu le sens de la vue après la première année de vie) obtient, en fait, des résultats de performance supérieurs à ceux des sujets doués du sens de la vue; il s'agissait ici de tests mettant à l'épreuve le raisonnement spatial et la représentation mentale des l'espaces. Les sujets aveugles de naissance et libres de toute complications neurologiques ont démontré des compétences égales à celles des personnes douées de vision. Seuls les sujets aveugles de naissance et affligés de complications neurologiques ont démontré un niveau de performance significativement moindre dans l'exécution de ces tâches de manipulation.


Les installations résonnantes - Le design de l'expérience d'immersion pour un maximum d'effet sur l'auditoire

Les travaux portant sur les schémas d'image en tant qu'outils d'appui pour le design des performances avaient pour but de faire le lien entre les espaces de performance et leur impact sur les émotions. Malgré le succès de nos découvertes sur leur efficacité en tant qu'outils de design de performance, leur rapport avec les émotions s'est avéré moins prononcé que prévu. Pour tenter de renforcer l'évidence de cette connexion avec la réaction émotionnelle, Marie-Louise Bourbeau et moi avons entrepris d'examiner la posibilité de rehausser la conscience de notre corps au moment où se déroule une performance, par le truchement d'instruments développés à cet effet.

Au début de cette étude, nos efforts étaient axés sur l'action de respirer, puisqu'en tant que source des cycles de la vie, elle constitue l'aspect essentiel d'une prise de conscience du corps. Il existe une panoplie d'études des disciplines de l'entrainement du corps fondées sur la respiration. Ces recherches mettant en valeur
l'activité respiratoire touchent non seulement des domaines de l'activité athlétique moderne, mais aussi tous les arts de la mise en scène. Marie-Louise Bourbeau se trouvant spécialiste en enseignement de la respiration chez les artistes chanteurs et danseurs, le choix de la respiration comme premier object d'étude semblait tout indiqué.

Nous avons conçu et réalisé l'installation appellée Incarnatus, pour établir une relation originale entre les membres de l'auditoire et la musique classique lyrique. L'intégration d'un lied de Mahler (the « Schildwache Nachtlied », ou « Soldier's Nightsong »), chanté en allemand et tiré du folklore traditionnel,
a soutenu le développement d'une installation mettant en vedette le dispositif baptisé « co-respirateur ». Il s'agit d'un coussin pouvant « respirer » au même rythme que l'interprète, alors que le participant fait l'écoute de la musique interprétée simultanément par ce même chanteur. Loin d'avoir eu l'impression de ressentir une expérience envahissante ou imposée de l'extérieur, les participants ont, dans plusieurs cas, adapté leur propre respiration à celui qui provenait du co-respirateur, parfois au bout de quelques secondes en sa proximité. Plusieurs participants ont même exprimer un niveau de connexion se rapprochant de l'extase, pour décrire l'intensité de leur expérience. Ce résultat fut tout à fait inattendu.


"Incarnatus" - Segment du vidéo


La présentation publique de l'installation Incarnatus nous a permis de conclure que le « co-respirateur » produit un effet d'une nature plutôt paradoxale, puisqu'il provoque l'intensification de la conscience corporelle en même temps que la « perte du soi » (en plus de créer l'impression d'identifidation avec la musique). Cette perte du soi découle de l'écroulement temporaire des barrières qui définissent et protègent le « soi ».

Nous procédons à l'heure actuelle au développement de nouvelles installations, qui devront tout d'abord faire vivre des expériences d'ouverture au corps. Elles permettront ensuite des processus d'exploration, pour finallement faire appel aux phases d'intégration et de fermeture de l'expérience. L'installation pouvant générer une telle séquence d'expériences se dénomme une « installation résonnante ». Il en existe plusieurs exemples présentement en phase de développement (pour plus de détails se rapportant aux installations résonnantes, on peut consulter le site blog suivant: ResonantInstallations). Ces recherches se situent au coeur du second mandat de la Chaire de recherche du Canada en géomatique cognitive.


Les environnements virtuels et des réalités mixtes – La corporéité et l'identité

En terminant, c'est au cours de la dernière année du premier mandat de la Chaire de recherche du Canada en géomatique cognitive qu'a débutée notre investigation systématique du rapport entre les mondes virtuels et l'expérience incarnée. Ici encore, nous avons fait face à la nature paradoxale de cette étude. Au premier abord, l'être humain parcourant les univers virtuels serait l'exemple idéal de l'expérience désincarnée. Cette opinion répandue, émise intuitivement et sans examen sérieux, manque de profondeur et s'avère en fin de compte plutôt fausse. Les mondes virtuels procurent des expériences d'une nature hautement incarnée. En effet, les résultats de ces travaux ont modifié notre compréhension de ce qui définie la véritable corporéité.

Notre source première de soutien provient des discussions actuellement en cours avec le groupe ERG (Embodied Research Group). Une fois par semaine, ces chercheurs actifs se « rencontrent » en-ligne (au site « Second Life ») pour réviser l'entendement actuel vis-à-vis l'expérience incarnée. L'information de fine pointe en ce qui a trait aux travaux du groupe ERG ou aux résultats de leurs discussions est disponible au site blog « EmbodiedResearch ». Dans ce contexte, il est apparut que l'incarnation manifeste un principe « performatif », et non pas seulement « physique ». En conséquence, il est possible de développer sa propre sensation de corporéité, dans l'enceinte de l'univers virtuel, malgré l'absence de toute participation directe du corps.

Voilà qui nous amène à un profond remaniment de la notion et de la signification de l'expression « être incarné », et du concept même de « la conscience du corps ». Au cours de leur rencontre, les chercheurs du Embodied Research Group ont récemment soutenu l'idée que l'être humain soit en fait capable de développer une sorte de muscle (« reflexive muscle ») rattaché à une fonctionalité spécifique disponible
exclusivement dans le monde de Second Life, puisqu'elle n'existe pas dans le monde réel de nos environnements physiques. A titre d'exemple, on pense à l'usage de la caméra virtuelle pour trouver un objet qui se trouverait, logiquement, hors de notre champs de vision, dans le monde réel. Au fur et à mesure que le muscle réflexif se développe, nous amorcons le mouvement initial pour « tenter » de l'utiliser dans notre corps physique, en dépit de notre agacement face à notre incapacité d'exécution. La caméra est devenue pour l'utilisateur une sorte de membre « fantôme » - les neurones peuvent encore l'activer, mais il n'en résulte pas de réaction au niveau musculaire.

Par ailleurs, l'intérieur des mondes virtuels peut créer la multiplication de notre identité, ce qui nous amène ici encore vers un remaniment de nos définitions de la personne. La génération d'une multiplicité d'identités et la rediffusion spatiale de notre sensation de corporéité constituent deux étonnantes mutations de la conscience de soi, mutations nées d'une présence vibrante poursuivant son épanouissement dans la complexité des univers virtuels.

On rejoint ici les environnements "à réalités mixtes", puisqu'il s'agit d'environnements permettant l'intégration de certains aspects du monde virtuel à notre expérience physique de la matière. L'acquisition d'un meilleure compréhension de l'impact des environnements procurant des réalités multiples sur notre sentiment de soi et sur notre capacité d'agir sont parmi les sources principales d'étude actuellement pour la Chaire de recherche du Canada en géomatique cognitive. A noter que ces recherches feront partie du deuxième mandat de la chaire. Ces travaux ont fait l'objet d'une présentation (version française), au Geocongrès International de Québec, en octobre 2007.


Conclusions

Tableau 1:Représentations (R) et Outils (T) développés sous le premier mandat de sept ans de la Chaire de recherche en géomatique du Canada

Le tableau 1 présente un résumé des « innovations » du premier mandat de sept ans de la Chaire de recherche du Canada en géomatique, dans les domaines des perceptions et des représentations.
1 - A l'échelle du corps, nous avons conçu l'outil dénommé: « installation résonnante ».
2 - A l'échelle de la proximité du corps, la théorie des affordances a servi de fondement dans le développement d'outils intégrant l'utilisation des schemas d'image et des représentations graphiques appropriées.
3- A l'échelle de l'espace de vista, nous avons créé la carte géographique illustrant tous les types d'espaces, intérieurs ou extérieurs, pour définir les chambres conceptuelles, les barrières et les portails.
4 – A l'échelle de l'espace environnemental, nous avons développé les cartes illustrant les espaces « de déplacement localisé », ou « de déplacement élargi », en spécifiant que ces images pouvaient provenir des satellites ( i.e. Google Earth).

L'ensemble de ces concepts originaux constitue l'intégrale des outils destinés à la présentation, la manutention et la manipulation de toute la gamme des espaces perceptuels et des processus de design centrés sur les espaces en soit, sur leurs représentations sous forme de cartes, et sur les instruments et méthodologies servant à la compréhension de ces derniers. Les exemples d'application présentés ont impliqué les domaines de l'assitance aux handicappés, des arts de la scène et du spectacle, de la muséologie, et des technologies d'appui en architecture et en aménagement paysagiste.

(texte traduit de l'anglais par Carole Bourbeau)

Friday, November 9, 2007

Chaire de recherche du Canada en géomatique cognitive renouvellée pour un deuxième mandat (2008-2015)

Créée en 2001, la Chaire de recherche du Canada en géomatique cognitive vise à comprendre les relations entre l'identité, le corps et l'espace. Les recherches de M. Edwards et de son équipe portent plus particulièrement sur les représentations mentales de l'espace, les diverses façons de représenter la relation entre le corps et l'espace (le schéma corporel, l'image corporelle, etc.), la manière dont l'humain agit dans son environnement local, et l'influence de cette performance intentionnée de l'humain sur la mise à jour, voire le renouvellement continuel de son identité.

Comprendre les relations entre le corps et l'espace est fort utile pour différents domaines d'application et, dans le 2e mandat de sa chaire, le professeur Edwards s'intéressera particulièrement à la réadaptation, à la muséologie et aux arts de la scène. Ainsi, ses recherches en géomatique cognitive permettront, entre autres :

(a) d'aider les individus atteints d'une maladie ou d'une blessure majeure à se re-situer dans une perspective de transformation identitaire, et d'évaluer l'efficacité des environnements conçus pour faciliter ces transformations;
(b) de situer le musée comme un organe de transformation de la vie urbaine, à cheval entre le monde réel et les mondes virtuels;
(c) de développer de nouveaux modes de performance artistique qui offrent de nouveaux points d'accès au grand public, exploitant à la fois des sensibilités artistiques et scientifiques et basés sur «l'intelligence du corps».

Les outils et méthodes de recherche utilisés sont extrêmement variés car ils sont tirés de plusieurs domaines et disciplines: des études ethnographiques portant sur la corporéité telle que celle-ci se manifeste dans les mondes virtuels (par exemple, Second Life), les processus de design cognitif inspirés de l'ingénierie et de la géomatique, des études comportementales faites selon des paradigmes cognitifs et médicaux, des méthodologies artistiques de conception et des méthodes d'évaluation relevant des sciences de l'éducation, particulièrement ce qu'on appelle l'évaluation transformative.

Pour en savoir davantage sur le professeur titulaire, Geoffrey Edwards, et mieux comprendre la géomatique cognitive, nous vous invitons à consulter le portrait de chercheur fait par l'Institut Technologies de l'Information et Sociétés (ITIS) de l'Université Laval.

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